23.11.15 - Les échecs ont beau être mal perçus dans notre société, ils ne doivent pas être considérés comme une catastrophe irrémédiable. Il est possible de rebondir. Entretien avec Claude Grandjean, auteur de «L’échec, premier pas vers la réussite» (éd. Farel).
Considérer l’échec comme un premier pas vers la réussite, c’est osé dans notre société! Pourquoi un livre sur le sujet?
C’est d’abord le climat général dans lequel nous vivons: échec de la politique de l’emploi, échec scolaire, échec de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, échecs conjugaux... Nous vivons dans un défaitisme permanent sans nous poser les bonnes questions.
En second lieu, c’est la propension à considérer l’échec comme une honte, une tache indélébile qu’il faut cacher à tout prix. Par expérience, je sais que l’échec est une épreuve difficile à surmonter, mais je n’oublie pas le côté positif: celui qui a échoué est celui qui a osé entreprendre, qui a su transformer ses rêves en action, même si le résultat n’est pas celui attendu. Notre regard sur l’échec doit changer! A mon âge, je pense avoir pris un certain recul et être capable de porter un autre regard sur l’aventure de la vie, avec ses réussites et ses échecs. Je n’ai pas de recettes, ni de leçons à donner, mais un vécu dont certains peuvent s’inspirer.
Pourquoi l’échec est-il si pesant dans notre société?
J’ai le sentiment qu’on nous impose de manière normative un modèle de réussite qui ne prend sens que dans l’exercice d’un pouvoir, dans la capacité à afficher sa richesse, dans l’audimat réalisé par des émissions, dans la récompense accordée par un prix littéraire ou dans le nombre de like ou de followers des réseaux sociaux. Il n’y a pas de place pour «l’ordinaire».
La mondialisation a transformé notre perception des événements, la technologie modifié nos comportements. L’information est de plus en plus dense et le temps imparti conduit à une sélection toujours plus ciblée. On ne retient que ce qui peut contribuer à satisfaire le maximum de personnes pour un maximum de profit. L’échec n’a jamais été un bon support, puisqu’il n’est pas censé être valorisable. Le nombre de «gagnants» croît moins vite que celui des «perdants», mais ce sont toujours les premiers qui donnent le «la»!
N’empêche qu’un échec peut faire mal...
La plupart d’entre nous a plus ou moins guéri de l’échec. Mais ne nous voilons pas la face: cette expérience peut aussi avoir des conséquences dévastatrices qui conduisent à des actes irrémédiables. Pour guérir, il ne suffit pas de le décider; encore faut-il accepter sa réalité.