"Quand je suis rentré au Nigeria, j'ai dit à ma famille élargie que j'étais devenu chrétien, et que je voulais aussi convertir mes enfants, et un matin, je me suis juste retrouvé ici... c'était il y a deux ans", rapporte le jeune homme.
Des garçons de différentes nationalités secourus par la police après avoir subi des violences dans une école coranique de Kaduna, au Nigeria, le 26 septembre 2019
Kaduna (Nigeria) (AFP) - Le Nigeria a découvert avec effroi vendredi l'existence d'une école coranique à Kaduna (nord), où plus de 300 jeunes, dont de nombreux mineurs, étaient victimes de torture et de viol, avant d'être secourus par la police.
Lors d'une descente menée jeudi soir dans une maison du quartier de Rigasa, la police de Kaduna a découvert plus de 300 élèves et étudiants de "nationalités différentes" enfermés et enchaînés dans ce que les médias appellent désormais "la maison de l'horreur".
Les responsables de l'établissement les faisaient vivre dans "des conditions inhumaines et dégradantes sous couvert de leur apprendre le Coran et de les redresser" pédagogiquement, a expliqué à l'AFP le porte-parole de la police de l'Etat de Kaduna, Yakubu Sabo.
Le propriétaire de l'établissement et ses six assistants ont été arrêtés, a-t-il précisé.
"Nous avons trouvé une centaine d'étudiants, dont des enfants de neuf ans à peine, enchaînés dans une petite pièce, dans le but de les corriger et de les responsabiliser", a déclaré M. Sabo.
"Les victimes ont été maltraitées. Certaines d'entre elles ont déclaré avoir été violées par leurs professeurs", a déclaré M. Sabo.
La police a également trouvé une "chambre de torture", où des élèves étaient suspendus à des chaînes et battus lorsque les enseignants estimaient qu'ils avaient commis une faute.
Le raid policier a été lancé à la suite de plaintes répétées de voisins qui se doutaient que quelque chose d'anormal se passait à l'intérieur de l’école.
"Les victimes étaient de nationalités différentes et deux d'entre elles ont déclaré lors de leur interrogatoire qu'elles avaient été amenées par leurs parents du Burkina Faso", a ajouté le porte-parole.
Sur les photos, les enfants présentent des cicatrices visiblement causées par des coups de fouet, un autre aux pieds enchaînés à des barres de fer, et une foule de jeunes garçons entassés dans une cour insalubre.
Les enfants secourus aux visages émaciés sont montés par dizaines dans des minibus pour être conduits dans un stade municipal avec leurs affaires personnelles puis dans un camp près de l'aéroport, ont indiqué des sources locales à l'AFP.
La police doit encore procéder à des vérifications et établir leurs identités afin de retrouver et prévenir leurs proches.
- 'Maisons de correction' -
L’école, ouverte il y a une dizaine d'années, hébergeait des étudiants amenés par leur famille pour leur apprendre le Coran et mais surtout remettre dans le droit chemin ceux considérés comme des petits délinquants, ou consommateurs de drogues.
"Ici ils gardent les dealers de drogues, les voleurs, les homosexuels, toutes sortes de gens", a confié à l'AFP Abdallah Hamza, l'une des victimes. "Ceux qu'ils surprenaient en train d'essayer de s'enfuir, étaient suspendus par des chaînes."
Un autre jeune homme, Hassan Yusuf, a expliqué qu'il avait passé 16 ans en Grande-Bretagne, où il s'est marié à une chrétienne et s'est converti au christianisme.
"Quand je suis rentré au Nigeria, j'ai dit à ma famille élargie que j'étais devenu chrétien, et que je voulais aussi convertir mes enfants, et un matin, je me suis juste retrouvé ici... c'était il y a deux ans", rapporte le jeune homme.
Le nord du Nigeria, majoritairement musulman, accueille un grand nombre de "maisons de correction" plus ou moins formelles dispensant un enseignement religieux strict, en l'absence de structures publiques à même de prendre en charge les jeunes livrés à eux-mêmes.
Les parents de certaines victimes originaires de Kaduna, convoqués par la police, ont dit avoir été "choqués et horrifiés" quand ils ont vu l'état de leurs enfants, car ils n'avaient aucune idée de ce que qu'ils vivaient, selon le porte-parole.
"Ils n'étaient pas autorisés à entrer dans la maison pour voir ce qui se passait, les enfants étaient amenés à l'extérieur pour les rencontrer un bref instant", a précisé M. Sabo.
Sur la chaîne de télévision privée Channels, l'un des responsables présumés de l'école, a insisté sur le fait que l'école avait uniquement vocation à enseigner le Coran et que ceux qui étaient enchaînés étaient les "têtus qui avaient tenté de s'enfuir".