À Paris, près de 700 enfants sont actuellement suivis pour une dysphorie de genre : leur sexe ne serait pas celui auquel ils s’identifient. Dès l’âge de 3 ans, ceux qui en font la demande sont orientés vers une « transition sociale ». Sans autre contrôle médical ou social.
Lilie, enfant trans de 8 ans, avec Chrystelle et Guillaume Vincent, ses parents. © Christophe Agostinis / Le Dauphiné / Maxppp
En l’espace d’une semaine, Lysandre, 8 ans, a pris les traits d’une fille. Tout bascule fin août 2020, après une consultation d’une heure trente avec le Dr Alicia Cohen, pédopsychiatre de l’hôpital Robert-Debré, à Paris. Le médecin pose d’abord le diagnostic de dysphorie de genre – différence entre le sexe assigné à la naissance et celui auquel l’enfant s’identifie. Ensuite, elle donne son feu vert aux parents pour que Lysandre se choisisse un nouveau prénom, se fasse appeler « elle » et non plus « lui », se fasse pousser les cheveux et porte des robes. À l’école, la directrice accepte ensuite de rayer le prénom « Lysandre » pour le remplacer par « Stella ». Après quelques jours, l’entourage considère officiellement l’enfant comme une fillette. Une fillette avec de jolies tresses blondes. Seul le bain du soir rappelle à l’enfant et à ses parents que, physiquement, elle a « un petit oiseau ». Et que, biologiquement, elle est encore un garçon.
« Tu deviendras ce que tu voudras »
Pour décrypter le processus qui a mené à cette métamorphose, revenons plusieurs années en arrière. À 6 ans, le garçonnet n’a pas de problème particulier. À l’école, il a des amis. La nuit, il dort sans faire de cauchemars et n’éprouve pas d’angoisses. Du point de vue de son caractère, l’enfant « a un comportement de garçon. Sa parole est sans filtre et très rentre-dedans », selon Catherine*, sa maman. Mais, du point de vue de son apparence, il rêve souvent d’être une fille. Dans la salle de bains familiale, lorsqu’il déniche du vernis, il trouve cela joli. Il se peint donc les ongles. Avec sa grande sœur Véra*, il aime jouer à se maquiller.
Dans sa garde-robe, il a des pantalons. Mais, aussi, des jupes. « Chez nous, on n’aime pas les stéréotypes », précise Catherine. Idem pour les jeux, ils ne sont pas genrés. Un jour, le petit pose une question : « Maman, pourrais-je devenir une fille ? » La maman répond : « Tu deviendras ce que tu voudras. » Deux ans plus tard, Lysandre demande, cette fois avec assurance, à changer de sexe. « Ce jour-là, j’ai ressenti une grande vague de chaleur. Au fond de moi, j’ai toujours su que Lysandre voulait être une fille » s’émeut encore la maman. Elle ajoute : « Nos enfants sont notre tout. Leur bonheur prime avant tout. »
700 enfants suivis pour une « dysphorie de genre »
À Paris, près de 700 enfants – à partir de 3 ans et jusqu’à 18 ans – sont actuellement suivis pour une dysphorie de genre. Ces derniers sont accueillis par trois équipes pluridisciplinaires composées de pédopsychiatres et d’endocrinologues : à l’hôpital Robert-Debré (XIXe arrondissement), la Pitié-Salpêtrière (XIIIe arrondissement) et au Ciapa (centre interhospitalier d’accueil permanent pour adolescents, XVIIIe arrondissement). Ces trois consultations ont ouvert en 2013. Chaque mois, les praticiens de ces trois structures se rencontrent pour trancher des décisions médicales délicates au sujet des enfants. Chaque fois, sont également conviés autour de la table des juristes, mais aussi des militants de la cause trans, lesquels représentent les associations OUTrans et Acceptess-T – qui revendiquent la suppression de la mention de sexe à l’état civil et sur l’ensemble des documents d’identité.
Selon deux de nos sources, ces deux associations idéologues font régulièrement pression sur les psychiatres pour démédicaliser le suivi de la dysphorie de genre des enfants. Au sein de Robert-Debré et La Pitié-Salpêtrière, le diagnostic de dysphorie de genre est systématiquement suivi d’une incitation à faire changer socialement de sexe l’enfant prépubère, dès 3 ans. À 10 ans et demi, les jeunes préadolescents prennent ensuite des bloqueurs d’hormones. Puis, vers 16 ans, ils reçoivent un traitement hormonal du sexe opposé. Dans l’Hexagone, l’opération chirurgicale est – pour l’instant – interdite aux mineurs.
Avoir un enfant transgenre, nouvelle tendance ?
En cette rentrée scolaire 2020, la dysphorie de genre s’inscrit dans un contexte très médiatique. Sur les plateaux télévisés, un couple, Chrystelle et Guillaume Vincent, intervient régulièrement pour raconter avec émotion l’histoire de leur enfant de 8 ans, Lilie – anciennement nommé Baptiste. Un témoignage qui s’ancre dans un contexte culturel marqué par la question transgenre. En juin 2020, sur TF1, est diffusé le téléfilm Il ou elle, avec Odile Vuillemin. A perfect family, une comédie dramatique danoise, est sortie au cinéma à la fin du mois d’août 2020. Sur France Télévisions, ensuite, se succèdent les émissions sur le sujet. « Des enfants à partir de 10 ans viennent beaucoup nous voir après avoir visionné ces émissions. Ces dernières agissent comme un révélateur » fait remarquer le Dr Agnès Condat, de La Pitié-Salpêtrière. Les demandes de consultation ont explosé. Le délai pour obtenir un rendez-vous est de dix-huit mois, et, sur la liste d’attente, on compte cinquante enfants. Sur les réseaux sociaux, les stars américaines sont également nombreuses à révéler la « transidentité » de leurs têtes blondes. Parmi elles, les actrices Charlize Theron, Cynthia Nixon et Angelina Jolie. À les entendre, avoir un enfant transgenre, ce serait le summum de la tolérance, un modèle idéal de parentalité.
Pourtant, le réel est plus complexe. « L’identité sexuelle est une construction lente et quotidienne. Cette dernière fluctue sous l’effet des pressions du milieu, précise à Marianne le neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Un enfant ne peut pas faire la différence entre l’attirance affective et sexuelle. Sa première identité de genre se définit entre 3 et 4 ans. Mais ensuite, elle fluctue. À l’adolescence, il y a également un stade critique avec l’apparition de l’orientation du désir sexuel. » Pour la sexologue Thérèse Hargot, auteure, chez Albin Michel, d’Une jeunesse sexuellement libérée (ou presque) l’impact psychique de telles « transitions sociales » sur les petits peut s’avérer gravissime : « Avant la puberté, un enfant, qu’il soit garçon ou fille, n’est pas défini de façon sexuée par les adultes et ses pairs. Seul son prénom le différencie des autres enfants. En réalisant une “transition sociale”, en devenant un garçon ou une fille et vice-versa, le mineur est positionné dans des relations sexuées. C’est cette sexualisation du regard posé sur lui qui est gravissime. » Souvenons-nous.
Dans les années 1970, des écrivains faisaient la promotion de la pédophilie dans Libération pour justifier les relations sexuelles entre majeurs et mineurs. Le désir sexuel des enfants devait être pris en considération de la même façon que celui des adultes. Aujourd’hui, ces relations-là sont qualifiées de viols. Après avoir vécu une « transition sociale » dès 3 ans et avoir pris des bloqueurs d’hormones à 10 ans et demi, certains de ces enfants – devenus adultes – viendront-ils qualifier en « viol d’identité » ces changements de genre réalisés trop tôt ? Plusieurs témoignages venus du Canada vont dans ce sens.
Raphaël ou Rose
Dans sa consultation à Robert-Debré, le premier rendez-vous – avec l’enfant, les parents et un endocrinologue du service – dure une heure trente. En quelques minutes, il suffit que le mineur formule avec aplomb la demande de changer de sexe pour que le diagnostic de la dysphorie de genre soit posé : « En juin 2020, le Dr Alicia Cohen a reçu notre fils Raphaël. Après lui avoir posé quelques questions, elle l’a immédiatement genré au féminin en l’appelant par le pronom “elle”. Puis, elle nous a dit d’effectuer une transition sociale au plus vite » raconte Mathilde, 37 ans, cadre supérieure en entreprise. Son fils a 6 ans. Cinq mois après avoir demandé à devenir une fille, il fait sa rentrée en CP sous le prénom de « Rose ». Une métamorphose réalisée en un temps record.
A posteriori, sa maman fait part de son malaise : « Au quotidien, c’est perturbant. Déjà, ses cheveux poussent très lentement, donc c’est difficile à accepter. Ensuite, il y a le prénom et le pronom. Pendant quinze jours, nous n’avons pas arrêté de nous tromper, en le nommant tantôt lui, tantôt elle. Pour le petit dernier de la famille aussi, c’est compliqué. Toute sa vie, il a joué avec son grand frère et voilà que, maintenant, c’est une grande sœur. » Tant de sacrifices réalisés précocement. Pour le Dr Agnès Condat, « l’enjeu de ces “transitions sociales” est de prévenir les idées suicidaires chez 30 à 40 % des jeunes ». Les conséquences psychiques de telles pratiques ont-elles fait l’objet d’études ? « Actuellement, nous n’avons pas encore de données chiffrées sur les enfants prépubères. Ce phénomène est encore très récent », concède le Dr Alicia Cohen. Pour ces enfants, la prise de risque est donc abyssale.
Prévenir le suicide ?
Parfois, la dysphorie de genre peut être provoquée par un traumatisme passé. Pour le Dr Catherine Bonnet, pédopsychiatre, connue pour son engagement en faveur des enfants victimes, l’enjeu est d’« évaluer si cette demande ne serait pas un signe d’alerte de violences sexuelles ». Dans son ouvrage l’Enfant cassé, l’inceste et la pédophilie paru en 1999 (Albin Michel), le médecin relate qu’elle a observé, à plusieurs reprises, « des enfants refusant leur féminité (filles qui refusent de porter des vêtements féminins) ou leur masculinité (garçons qui se déguisent en filles) car ils imaginent que, s’ils n’avaient pas été un garçon (ou une fille), l’agression ne serait pas arrivée ». De plus « lorsque des enfants expriment des idées de suicide ou ont fait des tentatives de suicide, il est nécessaire de leur poser des questions pour savoir s’ils n’ont pas été l’objet d’agressions sexuelles » alerte la pédopsychiatre.
En apparence, les petits qui se métamorphosent en fille ou garçon semblent vivre, sur le moment, un grand épanouissement. « C’est comme une pensée magique. ils ont l’impression que tout est possible et qu’ils peuvent changer de genre et notamment de prénom du jour au lendemain parce qu’ils l’ont décidé », s’enthousiasme Alicia Cohen, à Robert-Debré. Mais ces mineurs réalisent-ils le parcours du combattant qui les attend à la puberté ? Dans les cabinets des pédopsychiatres, les informations sur les bloqueurs de puberté à partir de 10 ans et demi, puis la prise d’hormones sont transmises aux parents – mais les enfants n’ont pas la maturité pour saisir tout ce qu’implique leur changement de sexe. Par ailleurs, les praticiens donnent des faux espoirs aux adolescents en leur proposant de se faire prélever leurs spermatozoïdes et leurs ovules par des spécialistes de l’hôpital Jean-Verdier à Paris. Objectif : les congeler pour faire des PMA dans le futur. En France, c’est contraire à la loi bioéthique du 31 juillet 2020. « Dans le futur, la loi évoluera très probablement », anticipe le Dr Alicia Cohen.
Pour rassurer les parents qui formulent quelques inquiétudes, les Drs Agnès Condat et Alicia Cohen martèlent : « Rien n’est irréversible. L’enfant qui prend des bloqueurs d’hormones peut revenir sur sa décision pour évoluer vers une identité trans ou cisgenre, binaire ou non binaire » – moyennant, tout de même, quelques éventuels effets secondaires sur la croissance. Derrière ces propos, il y a la théorie du « genre fluide ». C’est l’idée qu’on pourrait passer de l’identité de garçon à celle de fille comme si l’on changeait de file sur l’autoroute. « On se bat pour que l’identité soit libre et fluide car l’enfermer est toujours contraignant », précise Tristan, le président du centre LGBT+ le Girofard, à Bordeaux. Depuis décembre 2019, lui et son équipe organisent des groupes de parole pour les parents d’enfants transgenres. Ils fournissent également au Planning familial ou à l’association le Refuge des « outils pédagogiques » pour sensibiliser à la transidentité dans les écoles.
* Les prénoms ont été changés.
Source : Marianne
Via : profession-gendarme.com