Jean-Pierre Mocky (6 juillet 1929 - 8 août 2019)
Cette retranscription a pour but de présenter le film dans la bouche de son réalisateur, ce sont ses mots, vous pouvez passer directement au film :
"Cette fois-ci je ne suis pas content. 'Les ballets écarlates' est le premier film, qui ne sort pas dans les salles. Pourquoi ? Parce que jadis, il y a eu une histoire qui s'appelait : 'Les ballets roses'.
L'aide de camp du Général De Gaulle, convoquait des adolescentes dans un pavillon de chasse, et il organisait des partouzes.
Cela a défrayé la chronique, mais curieusement à l'époque, la presse n'en a pas beaucoup parlé. On a tout mis sur le dos du recruteur, c'est une espèce de mac. Finalement les hommes politiques s'en sont sortis, personne n'a été condamné.
Quand j'ai regardé les journaux de l'époque, je me suis aperçu que personne n'en parlait.
Aujourd'hui, nous sommes devant la recrudescence de la pédophilie sur des enfants. 'Les ballets roses' c'étaient sur des petites jeunes filles (adolescentes), ce n'était pas déjà bien. Mais là il s'agit d'enfants de 6 ans, de 3 ans, …
On viole, pendant de sortes de réunions. Non pas par un sadique, un malheureux malade, quelqu'un qui a perdu la raison, non non, ce sont des gens tout à fait 'normaux', qui occupent généralement des postes importants, parce qu'ils sont obligés d'acheter pour une soirée, en conséquence de donner de l'argent au recruteur.
Ce sont souvent des enfants de pays étrangers qui sont en France quelques fois en clandestins, ou carrément des fils d'ouvriers, quelques fois des gens beaucoup plus importants. Et ça, c'est dégueulasse !
Je ne sais pas, j'en a vaguement traité ce sujet dans 'Témoin' que vous avez vu dans la collection, c'était Philippe Noiret qui était amoureux d'une fille de 12 ans qu'il a assassiné. Mais, ça c'était un cas très particulier.
Ensuite je me suis occupé, je m'en suis occupé dans 'Noir comme le souvenir', une petite fille qui avait été enlevée, comme celle qui vient de s'évader après huit ans, où elle était séquestrée par un type qui s'est suicidé, c'était en Autriche, ça fait la une des journaux aujourd'hui. J'avais traité ça un petit peut 'comme ça'.
Là, devant ces réseaux, qui comprennent des notables, des notables que nous voyons tous les jours, logiquement ils ne sont pas fous, et là ça m'a vraiment dégoûté !
J'ai fait le film, et comme vous verrez, la fin, elle est terrible. Je crois que c'est le film le plus dramatique que j'ai pu faire dans ma vie. J'ai voulu stigmatiser ces réseaux pour les faire disparaître. Quand le film a été fini, je me suis dis : je vais le montrer aux associations ! Il y'en a plusieurs qui s'occupent justement de récupérer ces enfants-là.
Si on découvre deux ou trois enfants assassinés par an, on ne parle pas des 100 000 enfants qui sont enlevés, et trois jours après, on les retrouve soit dans un parc, soit devant leur porte, soit dans la forêt. A ce moment-là, ceux-là sont traumatisés. Ça on n'en parle pas de ces gens-là !
Alors ,c'est pour ces enfants que j'ai fait le film, pour que ces réseaux soient détruits !
C'est comme des nids de scorpions, il faut détruire ça.
Je fais donc le film, je le montre à des associations caritatives et elles me disent :
- Mais monsieur Mocky, nous on lutte depuis des années pour ça. Pour ce que vous venez de montrer, des photos des enfants nus à qui on fait faire l'amour dans des fermes, on fait des photos qu'on vend dans le monde entier.
Alors quand le film est fini, je le montre cette-fois dans une salle, alors les mères pleurent.
C'est un mélo (mélodrame), c'est un grand mélo flamboyant comme on en faisait. On ne peut pas ne pas faire un mélo avec une mère qui dans le film, une mère dont le fils a disparu et qui le cherche. Il n'y a pas plus mélo que cela, mais c'est un mélo avec un fond. Un fond social et un fond … il faut absolument arrêter ça !
Le film terminé, je le présente. Bon, les associations trouvent cela très bien.
Mais je commence à voir que des gens se détournent du film, au lieu de m'aider à le sortir. En plus j'avais décidé, une fois mes artistes payés, de donner tout l'argent à ces associations pour qu'elles s'occupent de ces enfants violés, car il y a maintenant des maisons avec des psychologues qui peuvent s'en occuper, parce qu'il faut s'en occuper une fois qu'ils ont été violés à cet âge-là, bien évidemment, ces enfants ne sont pas bien.
Voilà que le film est terminé depuis 2004, on est en 2006, voilà que je n'arrive pas à le sortir dans des salles, à part la mienne. Je n'arrive pas à en faire parler dans la presse. J'ai récemment présenté le film dans une ville de province dont je ne citerai pas le nom, des journalistes étaient présents, il y avait du monde. Le film a été applaudi, on m'a dit : 'mais monsieur Mocky, ce film est tout à fait normal', parce que moi j'ai pensé à un moment qu'il était mauvais le film (en qualité), vu que tout le monde le refusait. Or je l'ai présenté à un public qui a considéré le film comme 'normal'.
Alors aujourd'hui je suis en colère contre tout le monde !
On empêche ce film de sortir, on rejoint le film de Stanley Kubrick, 'Les sentiers de la gloire', parce qu'il raconte l'histoire des soldats français que d'autres soldats français fusillaient, parce qu'ils ne voulaient pas aller tuer des gens. Ce film est resté 30 ans interdit. Je ne vous parle même pas de tous les films qui n'ont jamais pu se faire, qui dès le départ, étaient censurés avant d'être faits.
Donc mon film est un exemple et, ici aujourd'hui, grâce à Jérôme Seydoux, qui dirige une collection qui m'est consacrée. Il a eu le courage le courage de sortir le film que vous allez voir là …
Avant de passer au film, je tiens à réitérer quelques avertissements, car il traite de sujets difficiles, le film est dur et cru à plusieurs égards.
Durée 1h26