Quelle différence faites-vous entre la vocation et la mission ? Pourquoi est-il fondamental de découvrir sa mission dans l'existence et comment y parvenir ? Alexandre Havard

"Découvrir sa vocation dans l'existence, je dirais, ça suppose tout simplement une relation privilégiée entre la personne et le Dieu qui l'a créée. C'est quelque chose de religieux, tu comprends ?"

Extraits retranscrits, allez directement à la vidéo (fin d'article) si vous le souhaitez. Ceci n'est qu'une partie d'une vidéo de 1h32, évoquant divers sujets. 

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Alexandre Dianine-Havard. … je rappelle aux auditeurs qui ne vous connaîtraient pas, que vous êtes d'origine française, russe et géorgienne. Vous êtes juriste de formation et vous avez exercé le métier d'avocat en France et en Finlande pendant plusieurs années, avant de développer le système de Leadership Vertueux qui est aujourd'hui enseigné à travers une vingtaine d'instituts répartis sur les cinq continents. Vous avez aussi écrit une dizaine d'ouvrages consacrés au sujet du leadership. Dans le livre « Un chemin russe », vous expliquez notamment que l'exercice du Leadership vertueux nécessite de prendre conscience de sa vocation et de sa mission dans l'existence.

Quelle est la différence que vous faites entre la vocation et la mission ? Pourquoi est-il fondamental de découvrir sa mission dans l'existence et comment y parvenir ?

Je pense que la société actuelle va vers un chaos total. Il n'y a plus de leader, il y a seulement des manipulateurs qui sont derrière la scène. Ces personnes qui semblent nous diriger, en fait, sont des marionnettes qui ne nous dirigent pas. Elles sont dirigées par d'autres. Mais ces autres, ce sont des gens très influents, qui ont une vision de la personne humaine qui est désastreuse.

Surtout, ce sont des gens qui veulent assouvir leur pouvoir. Il y a des manipulateurs, il y a des marionnettes, et il y a les sauveurs qui sont encore les plus dangereux de tous. Parce que les sauveurs ont l'air gentils, ils ont l'air bons, ils sont très attrayants. Je pense que les sauveurs attendent leur temps. C'est là que va être le grand combat, parce que le combat contre les manipulateurs, il est très visible et tu comprends de quoi il s'agit. Je pense qu’il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui regardent tous ces manipulateurs, mais ils ne regardent pas ce qui peut venir après. Ce sont ces gars-là qui font peur, parce que c’est le mensonge. Ce sera le plus gros mensonge de l’Histoire de l’humanité.

(...)

Il y a des chrétiens qui ne se rendent pas compte qu'ils ne sont plus chrétiens. Ils ont remplacé la foi par des "valeurs", des valeurs de conformité au monde. (...)

Le mot latin "mittere" (mission), veut dire, envoyer. Tu es envoyé à faire quelque chose, alors que le concept de vocation vient d’un autre mot latin, "vocare", c’est-à-dire tu es appelé, et pour moi tu es appelé à être quelqu'un. Alors que tu es envoyé à faire quelque chose, mais tu es appelé à être quelqu'un. C'est pour cela que je considère que la vocation est quelque chose de profondément religieux, au sens large du terme.

C'est une personne qui se rend compte qu'elle est appelée par Dieu ou par la nature à être quelqu'un, à se comporter d'une manière déterminée, à penser d'une manière déterminée, à sentir d'une manière déterminée, à agir d'une manière déterminée. C'est ça ce que j'appelle une vocation. C'est vraiment un cadre existentiel. C'est : "qui es tu" ?

Le concept de vocation suppose un certain esprit religieux de la part de la personne. Il y a des personnes qui n'ont pas un esprit religieux, avec difficulté, elles découvriront leur vocation dans l'existence. Par contre, tu as de très nombreuses personnes, même si elles n'ont pas d'esprit religieux, qui comprennent parfaitement quelle est leur mission. C'est-à-dire, la chose ou les choses qu'elles sont appelées à faire.

Là, il ne s'agit plus d'être, il s'agit de faire une chose concrète, et faire une chose concrète que tu fais tous les jours. Bien évidemment, puisque ta mission, c'est quelque chose que tu réalises dans tous les instants de ton existence, du matin au soir, du soir au matin, tout le temps.

C'est une chose que tu réalises durant toute ta vie, mais ce n'est pas un appel à être, c'est un appel à l'action. Donc la vocation est importante chez l'être humain parce que c'est un peu le cadre, je dirais, c'est le cadre de ta mission. C'est un appel à être, à sentir, je répète, à penser, à faire d'une manière déterminée, un certain nombre de choses. Alors que la mission, c'est un appel à faire une chose concrète.

Tu as beaucoup de gens qui se rendent compte de leurs talents, qui se rendent compte de leurs capacités, qui se connaissent bien, qui ont un très haut niveau de connaissance personnelle, la connaissance de soi. Ces gens-là, peuvent arriver assez facilement à découvrir leur mission dans l'existence.

Parce que la mission, je le répète toujours, ce n'est pas ce que j'ai envie de faire. La mission, c'est finalement qui suis-je ? Quel est le challenge qu'il y a dans la société ?

Cela peut être un challenge, un défi, un défi social, culturel, politique ou humain. Et toi, tu te rends compte qu'avec les talents que tu as, avec les dons que tu as reçus, avec ton histoire personnelle, tu peux relever ce défi.

Ce défi est ton défi parce que tu as les qualités pour le faire. Donc cela suppose une réflexion, une réflexion que toute personne peut faire, une réflexion qui la pousse à se connaître même très bien. Plus tu te connais, plus tu vas découvrir ta mission dans l'existence.

Il n'est pas nécessaire d'être un être profondément religieux pour arriver à découvrir sa mission dans l'existence. Il suffit d'être une personne qui se connaît bien elle-même, je le répète, qui connaît bien son histoire, qui connaît bien sa spécificité. Ta mission, c'est ta contribution spécifique au bien commun.

Le grand problème qui se pose chez bien des gens, c'est : c'est quoi ma spécificité ?

Plus tu arrives à découvrir ta spécificité, c'est-à-dire ton talent propre, tes capacités particulières d'action, ton histoire particulière, tes parents et grands-parents, ton pays, qu'est-ce que tu as reçu ? Plus tu arrives à connaître la spécificité de ta vie, plus tu peux arriver à comprendre quelle est ta mission dans l'existence.

Cela suppose un travail de réflexion complexe, alors que découvrir sa vocation dans l'existence, je dirais, ça suppose tout simplement une relation privilégiée entre la personne et le Dieu qui l'a créée. C'est quelque chose de religieux, tu comprends ? Une personne profonde peut arriver à comprendre quelle est sa vocation, ce que Dieu attend de lui, pas ce que Dieu veut qu'elle fasse, mais ce que Dieu attend…

Quel type de personne Dieu veut que cette personne soit. Mais tu as beaucoup de gens qui ont un sens de la vocation, parce qu'elles ont une certaine religiosité intérieure, mais qui n'ont pas le sens de la mission parce qu'elles ne se connaissent pas bien elles-mêmes.

Elles ne connaissent pas bien leurs talents, elles n'ont pas ce qu'on appelle la vertu humaine de la magnanimité, qui est la vertu des grands.

Donc, elles sont là avec une vocation, une belle vocation, une vocation à être, mais elles n'ont pas le sens de la mission. Effectivement, elles ne font rien. Tu vois ce que je veux dire ?

Elles ne font rien parce qu'elles n'ont pas la magnanimité. Elles n'ont pas découvert leur talent spécifique, leur talent propre, les dons particuliers qu'elles ont reçus et donc dans leur vie, il n'y a pas d'action. Tu trouves des personnes dans le cas inverse. Il y a la magnanimité, il y a l'action, il y a la connaissance de soi, il y a le défi que tu relèves, mais il n'y a pas le cadre. C'est-à-dire qu’il n'y a pas le cadre vocationnel. Il y a tout simplement une mission, mais il n'y a pas un cadre vocationnel.

Je pense qu'une situation comme l'autre, est mauvaise. Il faut vraiment qu'une personne réfléchisse.

Finalement, quelle est ma vocation ? C'est-à-dire quel est le cadre de mon existence, puisque c'est dans ce cadre que s'exerce ma mission ; et ensuite, quelle est ma mission concrète ?

Il faut l'un et l'autre pour être une personne heureuse et une personne efficace, et une personne complète.

Je pense que si parmi nous, il y a des gens ... :

- Alors moi, je vois ma vocation mais je ne comprends pas ma mission !

Eh bien il faut réfléchir à fond sur ta mission.

Et d'autres personnes disent :

- Je vois ma mission, mais je ne comprends pas bien l'aspect vocationnel !

Eh bien il faut qu'elles découvrent en elles, peut-être une certaine religiosité naturelle qui va les élever et qui va leur faire comprendre le cadre de l'exercice de cette mission.

Donc là, c'est clair que la mission fait appel surtout à la vertu naturelle de la magnanimité, qui est la vertu des grands, la vertu de grandeur, la tension du cœur, du corps, de l'esprit et de la volonté vers les grandes choses. La vocation fait appel surtout, je dirais, aux vertus qu'on appelle surnaturelles, qui sont les vertus de Foi, d'Espérance et d'Amour.

Ce sont deux domaines différents. La vocation, c'est vraiment un domaine religieux, je disais. La mission c'est un domaine absolument humain, très humain, même si parfois on voit dans l'Histoire de l'humanité qu'il y a des vocations et des missions qui sont extrêmement proches l'une de l'autre. Tu penses à Jeanne d'Arc, tu penses à Moïse, tu penses au roi David, tu vois qu'ils ont des missions concrètes, mais que leur mission, en fait, elle s'identifie pratiquement à leur vocation.

(…)

Je pense qu'il (Dieu) veut surtout que les personnes réfléchissent, qu'elles utilisent leur intelligence pour bien se connaître elles-mêmes. Avec liberté, avec responsabilité, elles arrivent à comprendre ce que moi je suis réellement et en fonction de ce que je suis, quel est le défi que je dois relever ?

Donc là, les personnes ont une très, très grande responsabilité, c'est plutôt d’eux, de chacun d'entre nous que vient ce travail… Ce travail qui nous pousse à découvrir notre mission dans l'existence. On peut arriver, à être assez proche de découvrir sa mission en fonction de son histoire.

Moi, par exemple, la mission que j'ai découverte à l'âge de 35-40 ans, c'est grandir en faisant grandir les autres.

Enflammer les cœurs pour la grandeur. (...).

J'ai vécu avec mes grands-parents qui étaient des gens tout à fait extraordinaires, qui avaient des talents incroyables, qui avaient fui le régime bolchevique, qui avaient beaucoup souffert. Il y a beaucoup de sang dans leur vie, il y a beaucoup de souffrances, il y a beaucoup de douleurs, mais c'est des gens grands.

Ils étaient magnanimes, ils étaient grands et j'ai beaucoup de chance d'avoir été éduqué par ces personnes. J’ai passé beaucoup de temps avec mes grands-parents, avec mes parents et puis plus tard, durant mes années d'université, d'école, fin des années de terminale et d'université, je me suis rendu compte que le monde tombe dans la pusillanimité totale.

J'ai pu faire cette comparaison inconsciente, entre ce que j'ai reçu et ce qui se passe. C'est donc mon histoire personnelle qui m'a poussé à comprendre que finalement, ma mission doit être en fait de rappeler aux gens le sens de la dignité, le sens de la liberté, le sens de la grandeur, le cœur, l'intelligence, l'âme.

Cette anthropologie qui te pousse à aller contre le mouvement naturel de la civilisation contemporaine, qui est un mouvement pusillanime qui va contre la dignité humaine et qui arrête de faire rêver les gens, qui les zombifient.

C'est comme une histoire personnelle, des comparaisons que tu fais et ensuite tu te rends compte des talents que tu as reçus et tu passes à l'action.

La mission, c'est l'action. C'est un appel à agir ; alors que la vocation c'est un appel à être. L'un comme l'autre sont importants. Il ne faut minimiser ni l'un ni l'autre.

(…)