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Cela fait déjà quelques années que quelqu'un m'avait fait énormément de la peine. Cette douleur m'a, comme on dit, poignardé dans le dos.
Le genre de coup bas qui te fait perdre foi en l'homme, qui te met K.O debout. C'était une personne qui avait été extrêmement proche de moi durant plusieurs années.
Cette peine était certainement l'une des pires de ma vie, le genre de trahison qui te fait perdre le sommeil et qui te hante jour et nuit en te torturant à chaque fois que tu y penses. Tu as beau faire des efforts pour essayer de penser à autre chose, mais tu es ramené vers cette douleur qui fait désormais totalement partie intégrante de toi.
Très vite, j'ai pensé à confier tout cela à Dieu. Je savais que je ne pouvais pas parler à Dieu sans prier pour mon ennemi. J'avais autant envie de prier pour lui que j'aurais eu envie qu'on me coupe le cou. J'arrivais à peine à prononcer son nom, alors prier en plus en sa faveur…
J'étais irrité, déçu, perdu, j'avais la haine je crois. Cette haine est née quand cette personne avait eu l'audace de m'appeler pour me raconter comment tout allait très bien pour elle et comment tout réussissait dans sa vie, pour me narguer. Il était parti s'installer à Paris.
J'ai souhaité que quelqu'un lui fasse ce qu'il m'a fait, une trahison personnelle et les mensonges qu'il a dits sur ma personne à nos amis communs. Je ne voulais pas qu'il souffre pour souffrir, mais je voulais qu'il se rende compte de la portée de ses actes.
Malgré tout cela, il fallait que je prie pour lui, pour que Dieu m'écoute et me guérisse. Je n'ai rien caché à Dieu :
"Je sais que tu nous demandes de prier pour nos ennemis. 'Pour', cela veut dire en faveur. Mais je n'en ai pas envie, je n'en ai pas la force, je n'ai même pas le début d'une motivation, rien sur quoi m'appuyer pour même me donner une version encourageante. Je ne peux rien te cacher, tu sais très bien ce que je ressens et au-delà. Je te connais depuis ma naissance, je connais les bases de ton fonctionnement. Je vais prier juste parce que tu me le demandes, mais je ne vais pas penser ce que je vais te dire. Tu changeras mon cœur, tu produiras le vouloir et le faire, tu le feras en moi, puisque je ne peux pas, je ne veux pas. Mais, auprès de toi, je cherche mon intérêt dans cette affaire. J'ai besoin que tu me guérisses et que tu rétablisses ma vie. J'ai compris que cela ne se fera pas si je n'apporte pas le nom de cette personne à ton oreille."
J'ai répété cette prière jour et nuit, du moins, à chaque fois que cette peine remontait à la surface, c’est-à-dire toutes les heures pratiquement.
Quand une situation vous hante, au début, vous y pensez involontairement tout le temps. J'en tremblais par moments, je n'étais pas tranquille. C'était si fort que je ne pensais même plus qu'un jour, je pourrais à nouveau sourire.
J'en avais perdu l'appétit et le sommeil, j'avais beaucoup maigri. Au bout de deux semaines, je crois, j'ai réalisé qu'il y avait eu un changement. Je ne parlais plus de cette personne à Dieu en serrant les dents.
Je continuais donc à prier, quelques jours de plus, tout mon ressentiment était passé. Une fois que j'ai réalisé que j'étais réellement en train de surmonter cette affaire, j'ai constaté que ce n'était pas sans l'aide de Dieu. Je m'attendais à ce que cela dure des années et ça n'a pris que quelques semaines. J'étais encore en train de payer y compris financièrement, les conséquences de cette trahison.
C'était la première fois que je priais autant pour un ennemi. C'était concrètement plusieurs fois par jour, et Dieu a eu pitié de moi. Il a retourné la situation à 360°. Au bout d'environ trois semaines, je ne peux pas dire que j'étais guéri, mais j'ai senti qu'il m'a lancé une corde pour que je remonte du trou dans lequel j'étais coincé.
On le sent quand Dieu nous lance une corde. Cela se traduit par un nouveau souffle de vie, un espoir qui apparaît de nulle part, une envie de vivre à nouveau, une nouvelle volonté de se battre.
Alors, j'ai saisi la corde pour remonter petit à petit et cela m'a beaucoup encouragé à continuer de prier pour cette personne, puisque parallèlement à cela, je guérissais tous les jours un peu plus.
Au bout de quatre semaines environ, je priais réellement pour cette personne, en faveur de cette personne, sans souhaiter qu'il lui arrive la même chose "pour qu'il comprenne". Même ça, c'était parti, c'est Dieu qui saurait ce qu'il devait ou non apprendre. J'avais reçu la paix, cette paix qui te fait exactement sentir : "Laisse tomber".
Ce n'est pas quelque chose que quelqu'un te dit et que tu appliques, il faut que cela vienne de Dieu, car tu le sens véritablement.
Je souhaitais à présent que sa vie aille pour le mieux et que Dieu le protège. Je réalisais que la Bible a raison. Dieu produit VRAIMENT en nous le vouloir et le faire. Jamais je n'aurais pu y arriver par moi-même. Je vois des gens qui gardent des rancœurs durant plusieurs décennies, j'en aurais fait partie si je n'avais pas cherché ma guérison avec Dieu.
Six mois plus tard, cette personne m'appelle.
En larmes, mon ancien ami me raconte comment son père l'a expulsé du domicile (une grande villa parisienne, un domicile secondaire de son père, où il habitait tout seul) et comment toute sa vie tombait en ruines il avait tout perdu. Il était à présent hébergé dans un studio à 15 personnes à Paris, avec des gens qu'il ne connaissait pas. Ils étaient comme dans une cellule de prison la nuit. Il m'a dit :
"Je n'arrive même pas à croire que c'est toi que j'appelle pour que tu me consoles"
Je n'oublierai jamais cette phrase !
Je l'ai effectivement consolé. Sincèrement, j'avais de la peine pour lui. Être sans domicile, sans argent et devoir se coucher à terre avec des inconnus. J'étais vraiment ému de sa situation. C'était quelqu'un qui recevait 3 000€ à 4 000€ par mois de ses parents (oncles et tantes compris), parce qu'il était étudiant. C'est ce que je gagnais en 6 mois en travaillant dans une chaîne de restauration rapide, personne ne m'envoyait de l'argent.
Je ne souhaitais pas ce qu'il vivait, il tombait de haut. Il était tourmenté de toutes parts, ses amis parisiens l'avaient lâché et sa fiancée l'avait trompé avec un autre homme.
Il s'est mis à m'appeler tous les jours et tous les jours, je l'encourageais, je l'aidais comme je le pouvais. J'ai plaidé sa cause auprès de Dieu, j'ai même dit à Dieu que je sais que sa Parole déclare que si on fait du bien à notre ennemi, des charbons enflammés viendraient sur sa tête. J'ai demandé à Dieu de lui retirer les charbons, j'avais mal pour lui.
Je voyais les charbons sur sa tête chaque fois qu'il me racontait un nouveau malheur, je me sentais même coupable, situation bizarre. Alors, je demandais à Dieu de l'épargner. A l'époque je ne connaissais pas vraiment le verset de Proverbes 24:17-19. Je connaissais beaucoup plus le Nouveau Testament que l'Ancien Testament.
Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent. Matthieu 5:44.
Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger; S'il a soif, donne-lui de l'eau à boire. Car ce sont des charbons ardents que tu amasses sur sa tête, Et l'Éternel te récompensera. Proverbes 25:21-22. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui à boire; car en agissant ainsi, ce sont des charbons ardents que tu amasseras sur sa tête. Romains 12:20.
Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi, Et que ton coeur ne soit pas dans l'allégresse quand il chancelle, De peur que l'Éternel ne le voie, que cela ne lui déplaise, Et qu'il ne détourne de lui sa colère. Ne t'irrite pas à cause de ceux qui font le mal, Ne porte pas envie aux méchants Proverbes 24:17-19.
Jamais je n'ai remis le passé sur la table lors de nos conversations. Je n'ai jamais demandé des comptes ni des explications, je n'en avais pas besoin, je l'écoutais parler de ses malheurs en cherchant des solutions et en l'encourageant à se réconcilier avec son père, à lui demander pardon pour quoi que ce soit.
J'avais fait la paix avec Dieu, je n'éprouvais plus le besoin de régler quelque chose avec lui. Pourtant, il m'a écrit trois lettres successives qu'il a envoyées par la poste pour me demander pardon.
Il pouvait m'envoyer des e-mails, mais il a tenu à m'écrire de sa main et à m'expédier ces lettres que j'ai toujours.
Nous avons progressivement poursuivi nos vies chacun de son côté. Les choses ont évolué pour lui, son père lui avait remis les clés de la maison. La dernière fois que j'ai eu des nouvelles de lui, il me disait qu'il avait enceinté une fille et qu'il était obligé de se marier. Pour le moment, je n'ai plus de nouvelles de lui. Je n'ai pas cherché, lui non plus ne m'a plus cherché. Nous étions tous les deux chrétiens, mais je n'étais pas chrétien comme aujourd'hui, j'espère qu'il a évolué aussi dans sa foi. Tout saint a un passé, et tout pécheur a un futur, dit-on.
J'ai appris plusieurs choses de cette histoire.
- Lorsque Dieu dit qu'il faut pardonner et prier pour nos ennemis, il ne le dit pas pour rien. Nous n'avons pas à lui dire ô combien nous avons mal, il le sait
- Dieu aide ceux qui sont disposés à faire sa volonté
- Dieu peut réellement mettre la main sur notre cœur et le changer pour une situation donnée.
- Les situations que nous vivons permettent que nous ayons des outils pour refaire ce marathon les fois d'après et avec d'autres personnes
- Dieu permet la souffrance pour nous faire évoluer à un autre stade de notre foi.
- Dieu est fidèle, sa Parole dit une Vérité que nous pouvons expérimenter dans la vie courante
- C'est pour notre propre bien que Dieu nous demande une soumission totale à ses ordonnances
- Il y a aura toujours ce type de situations, il y en aura peut-être pire, mais l'essentiel est d'avoir compris le seul chemin qui coupe nos liens