Agenouillé devant la foule, Prophet Passion livre un de ses habituels sermons enflammés. Pour l’occasion, il a enfilé un costume Gucci à 11 000 dollars, que ses followers encensent sur les réseaux sociaux. Cette tenue n’a rien d’extraordinaire pour ce prophète auto-proclamé, adepte de Jésus comme de luxe, converti en homme d’affaires. S'il en est peut-être l’un des exemples les plus extrêmes, Prophet Passion fait partie de cette nouvelle garde « d’envoyés de Dieu », dont la parole divine compte autant que l’apparence.
Sur Instagram, on les repère facilement. Ils sont jeunes, bien habillés, dynamiques. Ils maîtrisent leur communication comme personne. Leurs discours bien rôdés tournent inlassablement autour de Jésus, la famille, l’empowerment. Parmi leurs followers, on retrouve quelques stars — souvent les mêmes : Chris Pratt, Justin Bieber ou encore Kim Kardashian.
Eux, c’est Rich Wilkerson Jr. (921 000 abonnés), Steven Furtick (3,5 millions d’abonnés), Michael Todd (1,4 million d’abonnés) ou encore John Gray (1 million d’abonnés). Leur défi ? Réconcilier les jeunes et la religion, en devenant eux-mêmes des figures ultra-cools des réseaux sociaux.
Ce qui passe incontestablement par une apparence calculée minutieusement. Prenez Rich Wilkerson Jr. Ce dernier n’hésite pas à s’afficher sur Instagram, chaussant les dernières Yeezy. Un détail qui permet à sa communauté de l’identifier comme un individu éclairé par les enseignements de Dieu mais qui en plus est suffisamment cool (et connecté) pour porter ces sneakers qui s’arrachent à prix d’or sur la toile. Cet exemple n’en est qu’un parmi d’autres et le sujet des baskets cristallise l’attrait de ces néo-pasteurs pour la mode, au point où un compte Instagram (@PreachersNSneakers, « prédicateurs & baskets ») leur est dédié. Aux manettes, on retrouve un fan de sneakers, qui s’est penché sur le prix, mais surtout le sens de ces vêtements et accessoires flamboyants, qui semblent contredire les messages de simplicité et d'humilité véhiculés par la chrétienté.
« Je pense qu’il n’y a rien de mal à être habillé à la mode, ce qui est plus embêtant, c’est le prix que ça coûte. Pour moi, ça dit que les meilleurs croyants sont ceux qui ont suffisamment de “faveurs” de Dieu pour s’offrir des habits coûteux. Cela n’a jamais été le message de Jésus », expliquait le créateur du compte, Ben Kirby, au New York Times, en avril dernier.
Tout cet étalage de richesse n’est pas sans rappeler le cas de Carl Lentz, pasteur déchu de la Hillsong Church de New York. Bardé de tatouages et flanqué d’amis comme les Bieber, Vanessa Hudgens ou Selena Gomez, il s’est retrouvé mis au ban de cette congrégation pentecôtiste après une série de scandales, et son train de vie excentrique n’a pas aidé sa défense. Cependant, un certain pan de l’Amérique ne voit pas d’un mauvais œil l’arrivée de ces pasteurs-influenceurs : si la porte d’entrée vers la religion est une paire de baskets, ainsi soit-il.