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"Tu as le droit de savoir : ton père n'est pas ton père." Lorsque son père meurt il y a deux ans, un ami de la famille vient révéler à Véronique que celui qui l'a élevée n'est en réalité pas son père biologique. À 45 ans, son monde s'écroulen: elle apprend que sa mère est en réalité tombée enceinte d'une relation sans lendemain, juste avant de se mettre en couple avec celui qu'elle a toujours connu comme son père. Si elle le reconnaît à demi-mots, elle refuse de lui dire quoi que ce soit sur l'identité de cet homme. "De son côté, c'était silence radio. Une tombe."

Véronique décide alors de réaliser un test ADN pour en avoir le cœur net. En février 2021, elle commande un kit en ligne de l'entreprise israélienne MyHeritage, remplit un tube de salive et envoie l'échantillon au laboratoire. Comme d'autres concurrents, le site promet, via ces analyses, de "découvrir ses origines ethniques uniques", mais aussi de "trouver des liens familiaux grâce à l'ADN en commun" et d'ainsi "construire son arbre généalogique".

"Quand j'ai reçu les résultats trois semaines plus tard, j'avais les jambes qui tremblaient", raconte Véronique à BFMTV.com.

Là, cette sophrologue exerçant dans l'Aveyron découvre qu'elle a environ 25% d'ADN en commun avec un homme dans la quarantaine, comme elle, et qui a lui aussi effectué un test. Il s'agit de son demi-frère.

 

Bien qu'anxieuse, la quadragénaire rentre immédiatement en contact avec lui via la plateforme. "Il a été à la fois extrêmement surpris d'apprendre mon existence", se souvient Véronique. "Mais il savait aussi que notre père avait été très 'coureur de jupons', donc ça n'était pas inconcevable pour lui non plus".

En échangeant avec lui, elle découvre que son père biologique s'appelle en fait Joël, et qu'il vit à 2h15 de chez elle. C'est la sœur de ce dernier qui lui révèle qu'il a une fille dont il ignore l'existence. "Lorsqu'elle m'a appelé ce jour-là, ça m'a fait un sacré choc", se remémore Joël, 71 ans.

"Au début, j'avais beau réfléchir, je ne parvenais pas à mettre un visage sur sa mère. Alors j'ai pris le temps de digérer la nouvelle et deux jours après, je l'ai rappelée et je lui ai posé plein de questions."

"Elle m'a tout raconté et m'a montré les résultats des tests ADN", poursuit Joël. "Il n'y avait pas de doute possible."

"Il est tombé des nues mais il l'a très bien pris", confirme Véronique, qui garde un très bon souvenir de ce moment. "À l'âge que j'ai, c'est un cadeau."

Finalement, cet ancien bûcheron, carrossier et maçon à la retraite se souvient bien avoir eu une aventure avec la mère de Véronique, qui travaillait dans un bar, il y a une quarantaine d'années. "Mais j'ignorais qu'elle était tombée enceinte!", se défend-il.

 

Un mois après leurs premiers échanges, Véronique et Joël décident finalement de se rencontrer. "J'ai pris ma voiture et je suis monté la voir dans l'Aveyron. Quand je l'ai vu arriver où on s'était donné rendez-vous, je me suis dit qu'elle ressemblait à ma mère. C'était très touchant", raconte-t-il, ému.

"Il paraît qu'on se ressemble", ajoute Joël. "Son mari nous a fait remarquer qu'on avait les mêmes mimiques, les mêmes manières de parler. Ah, et elle est aussi teigneuse et têtue que moi!", plaisante-t-il.

Désormais, Véronique et Joël s'appellent toutes les semaines. Le septuagénaire a pu rencontrer les deux enfants de Véronique et ils sont même parti en vacances ensemble l'été dernier.

Notre temps : Les secrets de famille découverts par l’ADN partie II

Les histoires comme celles-là, Fabrice Brault en a fait son métier. Cela fait 26 ans que ce généalogiste et détective reconstitue des histoires de famille comme celles de Véronique et Joël. Et indéniablement, les tests ADN en kit, accessibles facilement et à moindre coût, sont venus bouleverser sa façon de travailler ces dernières années.

Depuis 2014, plusieurs entreprises américaines ou israéliennes proposent des tests ADN "récréatifs". MyHeritage, 23AndMe ou encore My Ancestry... Toutes proposent de vous dévoiler vos origines ethniques et familiales pour moins de 100 euros, en mettant en relation les ADN des personnes du monde entier à la lignée génétique commune.

Entre 100.000 et 200.000 Français font appel chaque année à leurs services, selon l'association DNA PASS, dédiée à la génétique et aux tests ADN, bien qu'ils soient illégaux en France.

En 2020, l'Inserm rappelait qu'il était interdit "de réaliser, et même de solliciter, un test génétique sans ordonnance médicale, injonction judiciaire ou projet de recherche strictement défini". 876450610001_6129537944001

L'entreprise américaine 23andMe, interrogée par BFMTV.com, assume l'"expédition de ses services généalogiques" en France, comme dans plus de 50 pays du monde. Une porte-parole de la société assure qu'ils "s'assurent que les consommateurs soient conscients de ce qu’ils peuvent apprendre quand ils ouvrent leur rapport de risques génétiques”. 23andMe explique, d'ailleurs, avoir mis en place une plateforme afin d'aider les personnes qui auraient découvert des liens inattendus.

"Toute famille a un passé qui peut être découvert", avance Elisabeth Zetland, chercheuse au sein de la société israélienne MyHeritage. "Des réunions de famille surprenantes se produisent en fait plus souvent qu’on ne l’imagine. Chaque jour, nous recevons des témoignages incroyables de découvertes inattendues."

Pour le généalogiste Fabrice Brault, l'ADN permet désormais de lever des secrets de familles qui pèsent sur des individus parfois pendant des décennies. "Moi ce que je remarque au fil de mes enquêtes, c’est qu’on enlève un poids des épaules des gens: le poids du passé."

"C'est normal, on veut tous savoir d’où on vient", poursuit-il. Pourquoi les gens échafaudent leur arbre généalogique? Parce que c’est comme les fondations d’une maison, c'est essentiel, or certains se construisent avec des morceaux de vie en moins. Je ne compte plus le nombre de personnes qui m'ont dit: 'Ça fait des années que j’attends votre coup de fil!'."

Notre temps : Les secrets de famille découverts par l’ADN partie II

Audrey était dans l'impasse lorsqu'en novembre 2019, elle décide d'avoir recours à un test ADN. Cette femme de 41 ans, née sous X en Île-de-France en 1980, cherche alors depuis dix ans ses parents biologiques, en vain. En seulement quelques mois, les résultats du test qu'elle réalise sur 23AndMe lui permettent de retrouver à la fois son père et sa mère biologique.

"C'était inespéré car mon dossier à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) était quasi vide", se réjouit encore la quadragénaire interrogée par BFMTV.com.

1,06%, 1,50% d'ADN partagés... À première vue, les résultats des correspondances ADN d'Audrey ne sont pas très probants. Pourtant, ils le sont suffisamment pour permettre à une généalogiste de remonter la lignée d'Audrey et d'identifier une fratrie de 4 personnes. L'un d'eux est forcément soit son père, soit sa mère.

Au terme d'un travail d'élimination et de longues heures de recherches en ligne, Audrey parvient finalement à identifier lequel des 4 pourrait être son géniteur. Sur Facebook, elle découvre même que celui-ci bavarde encore avec sa mère biologique.

À l'été 2020, Audrey rencontre sa mère mais le lien a du mal à se créer. "Elle n'a pas cherché à nier quoi que ce soit", raconte la quadragénaire.

"Mais ayant désormais une famille, elle avait très peur que ça se sache ou que je veuille me venger. Mettre le bazar dans sa vie, ce n'était pourtant pas du tout ce que je cherchais."

C'est finalement du côté paternel qu'Audrey va trouver le plus de réconfort. "Lui m'a vite recontacté, il était tout simplement heureux. Il se souvenait bien eu une relation avec ma mère dans les années 1980 mais elle lui avait toujours cachée qu'elle était tombée enceinte! Il m'a dit qu'il regrettait toutes ces années perdues".

Bien qu'il ait une famille - une compagne, une fille et un fils adultes -, "il m'a ouvert les bras et invité à venir le voir" en Corse. "Quand je suis arrivée sur l'île en bateau l'été dernier, il m'attendait sur le port. Je m'en souviendrais toujours, c'était un grand bonhomme assez impressionnant", raconte Audrey. "On s'est pris dans les bras, ça coulait de source. Il y avait une affection naturelle".

Notre temps : Les secrets de famille découverts par l’ADN partie II

Ce ne sont pas des parents biologiques qu'Astrid Mahon a pu trouver grâce aux tests ADN, mais une fratrie de 13 demi-frères et sœurs aux quatre coins de la France. "Quand on a été fille unique pendant 38 ans, ça fait un peu bizarre", explique cette enseignante de maternelle, qui a su très tôt qu'elle avait été conçue par don de gamète (anonyme, donc) dans les années 1980.

Par curiosité, elle envoie sa salive à plusieurs plateformes à l'automne 2017.

"Moi au début je me disais que je trouverais peut-être un ou deux demi-frères ou sœurs, sûrement les enfants du donneur (de sperme). Et puis en fait 1, 2, 3, 4, 5"...

Les deux premières années, tout s'enchaîne. Astrid découvre un nouvel enfant issu du même donneur tous les trois mois. Certains habitent Rouen, Paris, Rennes, la Vendée, Grenoble, le Nord de la France et même... l'Écosse. La plupart connaissent leur mode de conception, mais pas tous.

Au fur et à mesure de ses découvertes, Astrid et sa nouvelle fratrie se rendent compte que dans les cabinets gynécologiques privés où ils ont été conçus entre 1973 et 1981, la pratique n'était pas très encadrée, et qu'ils pourraient donc être très nombreux à être issus du même don.

"Plus les demis arrivaient, plus on se demandait où on allait aller", plaisante-t-elle aujourd'hui, intimement persuadée qu'ils sont plus que 13. Ce n'est qu'en 1994 que le nombre d’enfants issus d’un même donneur a été limité à 10 par la loi de bioéthique, pour écarter tout risque de consanguinité pour les générations futures.

Aujourd'hui, cette fratrie d'un nouveau genre n'a toujours pas pu se réunir à cause de la crise Covid mais ils communiquent très régulièrement sur un groupe Whatsapp où ils partagent leurs vies, et jouent au jeu des ressemblances. "C'est amusant! Ça n'est pas toujours flagrant, on ne se serait pas reconnu dans la rue mais on note quand même des similitudes", explique Astrid, qui évoque "la forme des yeux", "la forte myopie de certains", "la taille", ou encore "le grand manque de souplesse".

"Le but, ce n'est pas non plus de dire que nous sommes absolument pareil, ça n'aurait pas de sens", nuance toutefois Astrid. "On a tous été élevés différemment, par des parents différents. La biologie joue bien sûr dans une certaine mesure, mais également la culture et le milieu dans lequel on a été élevé".

"De toute façon, nous, ce n'est pas ce qu'on cherche", assure la quadragénaire. "On a tous nos parents qui nous ont élevé, nos états civils et on ne cherche pas du tout à modifier quoi que ce soit."

De toute manière, ces tests étant illégaux, ils "n’ont aucune valeur en France", rappelle à BFMTV.com Me Laurence Mayer, avocate spécialisée dans le droit de la famille. Présenter un de ces tests ADN dans l'idée de faire reconnaître un quelconque lien de filiation "serait un moyen totalement irrecevable au regard de la loi française". Théoriquement, ajoute l'avocate, "le procureur de la République pourrait même décider de se retourner contre vous".

À ce jour, Audrey, Véronique ou encore Astrid sont reconnaissantes de ce que leur ont apporté les plateformes de tests ADN : à savoir une certaine sérénité, et un bout manquant de leur histoire personnelle. Mais elles sont aussi conscientes que "ça peut être à double tranchant".

"Il faut être prêt à assumer ce que ça implique, être prêt à ce que ça se passe mal car c'est parfois le cas", considère Audrey.

C'est notamment ce qui s'est passé pour Céline Michelle. Née sous X il y a 47 ans en Haute-Saône, elle est adoptée à l'âge de 5 mois et parvient finalement à retrouver sa mère biologique en avril 2021, au terme de 14 longues années de recherches et de souffrances, aidée par une généalogiste qui réalise pour elle "un travail généalogique titanesque". "J’ai fait deux tests ADN : un sur My Heritage et un sur 23AndMe qui m'ont permis de retrouver un cousin très proche, qui était en fait le fils de la sœur de mon géniteur", nous détaille-t-elle.

Le 13 avril 2021, Céline Michelle et sa mère biologique se donnent rendez-vous dans un parc animalier. Mais la rencontre est loin d'être celle dont elle avait toujours rêvée. Ce jour-là, Céline arrive pleine d'attentes. En face, elle dit avoir trouvé quelqu'un d'assez froid, qui n'exprime aucun regret, contrairement à ce que la jeune femme attendait.

"C’était une femme qui habitait à 30 min de chez moi. Physiquement, il n’y avait pas photo, c’est impressionnant comme on se ressemblait (...) mais on ne s’est pas prises dans les bras comme dans les films, c’était un sentiment bizarre. J’aurais voulu autre chose".

En rencontrant la septuagénaire, Céline Michelle apprend qu’elle était en fait le fruit d’une relation adultérine. "Elle m’a dit que mon géniteur était un homme marié et père de deux enfants quand il a couché avec elle". À l'époque, "elle avait 25 ans et il lui a payé l'hôtel, ça s'arrête là".

La quadragénaire tombe de haut, le scénario n'est pas celui qu'elle s'était imaginée pendant tant d'années. "C'était destructeur", confie Céline Michelle. "Elle a mené une vie sans penser à moi, et m’a même dit qu'elle ne voulait pas de moi, qu'elle n’aurait pas supporté mes pleurs. (...) Aujourd’hui, cette femme n’existe plus à mes yeux."

"Derrière ces histoires complexes ou à trous, il y a parfois des drames familiaux", tente d'analyser le généalogiste Fabrice Brault. Dans son travail au quotidien, le spécialiste des relations de filiation voit de tout: "Ça peut être des viols, des relations adultères, des femmes qui ont confié leurs enfants à l’adoption il y a des années et tentent de les retrouver, des pères de l’ombre à qui on a menti, des pères qui ont eu des double-vies..."

"Mais parfois, ça peut être des histoires plus légères", insiste-t-il. "Comme des enfants curieux, issus d'un don de gamètes, ou encore des frères et sœurs qui se cherchent." Et que l'ADN finit par réunir.

 

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Notre temps : Les secrets de famille découverts par l’ADN partie II

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