Dans mon village, le mois de juin est le mois de Saint Jean. Tous les soirs autour du feu c’est la fête, avec des chansons, des danses, des plats et les gourmandises, typiques de ce mois. C’est aussi une époque remplie de superstitions chez nous, surtout chez les jeunes. L’une d’elles consiste par exemple, une nuit particulière du mois, à se regarder dans un miroir près de l’eau, et si on ne voit pas son reflet, cela signifie qu’on ne sera pas là l’année d’après. Ma tante est revenue toute triste de la rivière et lorsque je lui ai demandé pourquoi, elle m’a expliqué. J’ai demandé à ma mère si c’était vrai, comme j’étais toute petite, elle m’a demandé d’oublier cela. Il se trouve que l’année d’après ma tante est effectivement décédée. Une deuxième tante s’étant parallèlement convertie au protestantisme, nous avons cessé de faire les superstitions dans la famille.
Les fêtes de juin dans mon village, se produisent essentiellement les soirs et la nuit. Comme c’est un village, il y a évidement toutes sortes de superstitions, d'histoires d'apparitions comme la mule sans tête, ou un cheval de feu, mais je ne faisais pas attention. Mon père m’avait déjà dit que dans la famille, nous avions une sensibilité à certaines choses depuis des générations, et que je devais y prêter attention et ne pas avoir peur. J’étais au milieu de la fête lorsque j’ai commencé à me sentir très mal. Le soir des fêtes, chacun est occupé à danser, à manger ou à boire. Les maris ne cherchent pas leurs femmes, les femmes ne cherchent pas leurs maris, les parents ne cherchent pas leurs enfants, chacun rentre à la maison à l’heure qui lui convient, le village est tout petit. J’ai marché en direction de la maison et j’ai commencé à entendre une voix.
C’était la première fois que cela m’arrivait. Je pensais que c’était dû au mal de tête tellement insupportable que j’arrivais à peine à ouvrir les yeux. Mais plus je m’éloignais du bruit de la fête, plus la voix était forte et claire. J’ai prêté attention à ses mots, lorsque j’ai compris que la voix me demandait de me jeter du pont pour que la douleur passe. Totalement désorientée, je marchais en essayant de ne pas me laisser hypnotiser par la voix et je me suis dirigée sans m’en rendre compte, vers la maison de ma tante. Je sais que c’est Dieu qui m’a guidé vers elle. Elle m’a prise dans ses bras, elle m’a lavé et elle m’a couché. Comme le mal ne passait pas, elle est allée chercher un oncle qui n’aime pas les fêtes « païennes ». Lorsqu'il est arrivé, il m'a d'abord bénie, puis il s’est mis à prier, avant de juste m'observer alors que j'étais allongée. Au bout d’une heure j’ai commencé à me sentir bien, puis le mal est totalement passé. Je lui ai raconté que j’avais entendu une voix qui me demandait de sauter du pont, il m’a encouragé à apprendre à développer des réflexes de prières en toute occasion. J’ai appliqué ses conseils et je n’ai plus jamais rien vécu de tel.