Note : Cette histoire n'a pas eu lieu en France, cette personne ne vit pas en France.
4,5 pages
C’était en 2002, j’ai vécu quelque chose qui me cause encore beaucoup d’anxiété et de tourments aujourd’hui.
J’ai été élevée à la campagne, dans une petite ville. Le taux de chômage y était trop élevé, je devais aller dans une grande ville pour trouver un emploi afin de nourrir mes enfants. J’étais séparée de mon mari, parti avec ma meilleure amie.
Je me suis donc inscrite dans une agence d’emplois à domicile où j’ai très vite reçu une proposition, une offre d’emploi très intéressante. Je devais travailler dans la maison d’un couple qui m’offrait trois fois le salaire habituel pour une employée de maison. Ils étaient très riches avec une immense demeure, mais ils ne voulaient qu’une seule personne pour travailler chez eux. Je me suis organisée, j’ai laissé mes enfants avec ma maman, le temps de m’installer, puis les faire venir lorsque tout serait prêt.
J’étais dans une dynamique de reconstruction totale, alors j’ai saisi cette opportunité. Je me suis rendue dans la ville en question où j’ai loué un petit appartement dans une commune proche, car je ne pouvais pas me permettre de payer un loyer trop élevé dans la ville où ils vivaient.
Lorsque je suis arrivée pour la première fois dans la maison de mes patrons, c’était exactement comme ce qu'on peut voir dans les films. Ils étaient réellement très riches, la femme était bien plus jeune que le mari. Elle ne travaillait pas, elle invitait ses amies ou se faisait inviter par ses amies pour se plaindre de futilités et de leur condition de riches.
Le mari travaillait beaucoup et discutait peu. Lorsqu’il me parlait, je comprenais qu’il n’était pas heureux. Il me disait qu’il détestait la maison et la ville dans laquelle ils étaient. Argent ou pas argent, j’ai remarqué que mes patrons semblaient bien plus perdus que moi dans leurs vies. Ils semblaient perdus dans tous les sens du terme.
Au bout de deux mois, avec mes premiers salaires, j’ai pu faire venir mes fils chez moi. Je n’ai pas fait trois mois dans cette maison qu’ils m’ont licenciée sans me donner d’explications. Mon monde s’est écroulé, je ne voulais pas rentrer à la campagne et j’avais déjà fait venir mes enfants. Je commençais à apprécier la vie en ville, je ne voulais pas qu’on se moque de moi si je rentrais chez ma mère. A la campagne, ils sont toujours contents des échecs des autres, je ne voulais pas leur donner cette satisfaction d’entendre : « On t’a prévenu ! ».
Je me suis mise à la recherche d’un autre emploi, j’ai envoyé des CV, j’ai scruté les petites annonces, même les petites annonces qui se trouvent épinglées dans les commerces. Mais aucun succès, je n’ai obtenu aucun RDV, personne ne m’a appelé. Un jour, je me trouvais totalement abattue à l’arrêt d’un bus, je réfléchissais à devoir appeler ma mère pour lui demander de l’aide financière, alors même que je savais qu’elle allait me demander de revenir. Échec, honte, perte de courage. Mais avec deux enfants à charge, est-ce que j’avais d’autres choix que de l’écouter ?!
Je m’apprêtais à l’appeler lorsqu’un monsieur sort de son véhicule, s’approche de moi et s’assoit. Il me demande si tout va bien, je lui réponds que oui. Il me demande pourquoi j’ai un visage dépressif, je lui explique que je cherchais un emploi mais je ne parvenais à rien, j’allais donc devoir rentrer bredouille à la campagne, cela me déprimait. Son visage s’est illuminé, il m’a dit qu’il cherchait justement quelqu’un. Il cherchait quelqu’un pour nettoyer son église.
Je lui ai demandé s’il était un pasteur, il m’a dit qu’il préférait que je l’appelle « révérend ». Il m’a demandé si j’étais d’accord pour un petit entretien sur place, j’ai dit oui. Je voulais parler de mes expériences chez plusieurs patrons, de mes compétences, de mes points forts. Mais tout ce qui l’intéressait c’était ma vie privée. Il m’a demandé si j’avais un mari, des enfants, il voulait savoir si j’avais des filles ou des garçons, leurs âges, il m’a demandé si j’avais des parents dans la région et d’autres questions dans ce sens. J’étais mal à l’aise, mais j’ai répondu, après tout, il m’offrait une chance et je n’avais pas le choix, c’était peut-être la dernière.
Il m’a demandé si je pouvais commencer le lendemain. Il viendrait me prendre à la gare de la commune où j’avais loué mon appartement et il me ramènerait lorsque j’aurais fini, puis il me paierait pour la soirée de travail.
Je devais travailler de 18h à 23h, il m’a dit que ce serait du travail informel, sur le moment j’ai accepté, il payait bien. Il m’a expliqué que les cultes se déroulaient les après-midis et que c’était très animé, il avait besoin de quelqu’un qui nettoie après chaque culte. Des cultes animés durant les jours ouvrés ? ces gens ne travaillaient pas ?!
Je ne me suis pas posé plus que questions que cela, j’ai juste compris que je devais travailler le soir et en début de nuit et que je serai payée après chaque service. Le révérend allait ensuite me ramener à la gare. Tout était clair, le cadre était posé.
Le lendemain je l’attendais à la gare, il est arrivé dans un très beau véhicule, type VIP. Il m’a dit qu’il me montrerait les lieux, il m’a donné les clés, mais il m’a dit que lorsque je finissais je devais fermer l’église à clefs et le rejoindre dans son véhicule à plusieurs dizaines de mètres de là. Je n’ai pas compris pourquoi il ne voulait pas me chercher devant l’église, c’était bizarre mais c’est encore quelque chose que je n’ai pas creusé. Lorsque nous sommes arrivés dans ce qu’il appelait son « église », j’ai remarqué que c’était une sorte d’immense entrepôt.
La décoration rappelait vaguement celle d’une église catholique. Il y avait des images sur les murs et des bancs en bois alignés. Au niveau du pupitre il y avait une grande croix. Les dessins et les portraits sur les murs ont particulièrement attiré mon attention, parce que chaque figure était accompagnée de celle d’un démon à la peau grise, avec des ailes comme celles des chauves-souris, des cornes et une queue fourchue. Chaque démon sur les images, semblait interagir avec un saint catholique, du moins j’ai reconnu certains costumes de saints. J’ai assimilé ce lieu à un local catholique, pourtant je ne voyais aucune image de Jésus.
J’ai trouvé cela étrange, car même si je n’allais pas à l’église, j’avais été élevée dans l’église catholique. En dehors de la présence des figures de démons, le lieu était très beau. Il y avait des chandeliers, des bougies dont certaines avaient fondu plus que d’autres. Le révérend m’a dit que je devais changer les bougies chaque fois que je viendrais. Il m’a montré une petite pièce au fond de la salle où se trouvait les produits d’entretien et des bougies neuves. A l’étage, il y avait des pièces fermées à clés et des toilettes. Mais je ne devais pas monter, je devais m’occuper de la salle principale et des deux toilettes qui se trouvaient en bas. La grande salle de l’église avait des caméras de vidéosurveillance rectangulaires. Tout avait l’air très luxueux, les chandeliers semblaient d’or pur.
Après m’avoir dit ce que je devais faire, il est parti. J’ai fait la poussière, j’ai nettoyé les bancs, j’ai balayé, lavé, nettoyé, il y avait des confettis au sol. J’ai changé les bougies puis je me suis dirigée vers le pupitre. J’ai vu qu’en dessous de la croix il y avait une sorte d’espace, j’ai imaginé que c’était là qu’ils rangeaient des images de Jésus, mais lorsque je me suis approchée, il n’y avait rien. J’ai terminé le ménage, tout était impeccable, j’ai terminé avant 23h. J’ai attendu 23h, puis j’ai fermé les portes et j’ai marché pour retrouver le révérend là où il avait convenu que je devais le rejoindre.
Lorsqu’il me raccompagnait, je lui ai demandé pourquoi il y avait un espace vide sous la croix, il m’a dit de ne pas faire attention, car cette église était un lieu provisoire, en attendant la fin de la construction de son église. Comme il ne ressemblait ni à prêtre catholique, ni à un pasteur protestant, je lui ai demandé quelle était sa dénomination, il m’a dit qu’il avait lui-même fondé cette église et qu’il avait une autre interprétation de la Parole. J’ai remarqué qu’il n’employait jamais les mots : DIEU, CHRIST, JESUS ou BIBLE.
Mais il disait : SEIGNEUR, Envoyé et PAROLE.
Lorsque nous sommes arrivés à la gare de ma commune, il m’a remis la somme convenue et il a pris mon numéro de téléphone.
Il m’a dit qu’il n’était pas sûr des jours où je devais travailler, il m’avertirait. Le lendemain il m’a appelé. Il avait aimé la propreté des lieux, et il aurait besoin de mes services encore ce jour-là. Les cultes ne semblaient pas fixes, j’ignore ce qui déterminait qu’il y aurait culte au dernier moment, mais cela semblait fonctionner de cette façon.
Nous avons donc fait comme la première fois, rien de différent. Il m’a appelé pratiquement tous les jours la première semaine. La deuxième semaine, en sortant de l’église, je marchais pour rejoindre le révérend puisqu’il ne voulait pas être vu avec moi devant l’église, lorsqu’une femme a croisé ma route. Elle m’a demandé si je venais d’emménager dans le quartier, je lui ai répondu que j’étais la femme de ménage de l’entrepôt pas loin. Elle m’a regardé d'un air étrange et elle semblait étonnée : « Mais encore ?! ils changent de femme de ménage tout le temps là-bas ! ».
Je lui ai demandé si elle savait ce que cet endroit était, elle m’a dit qu’elle n’en avait aucune idée. Elle voyait des gens venir les après-midis, puis elle entendait beaucoup de bruits provenant de ce lieu.
J’ai poursuivi ma route avec une terrible angoisse, s’ils renvoyaient souvent les femmes de ménage, alors bientôt je le serais moi aussi. Je pensais à cette précarité financière, je ne voulais vraiment pas rentrer à la campagne. J’allais devoir dire adieux à mes rêves et à mes projets. Je réfléchissais avec tristesse.
Au bout de 3 semaines, un soir je m’apprêtais à aller au travail lorsque j’ai eu plusieurs empêchements successifs.
Mon fils qui avait 12 ans m’a demandé de ne pas aller au travail, je lui ai dit que j’avais besoin d’argent et que je n’avais pas le choix, je lui ai demandé d’être courageux et de s’occuper de son plus jeune frère en mon absence.
Lorsque je suis sortie, un chien m’a empêché de franchir la porte de la résidence. Il me fixait depuis la rue en grognant, j’avais l’impression qu’il me demandait de rentrer chez moi. Après plusieurs minutes, le maitre du chien a fait son apparition, j’ai pu sortir. Troisième empêchement, j’ai réalisé à mi-chemin vers la gare, que je n’avais pas les clés de l’église et il a fallu que je rentre en courant.
Je cherchais les clés partout chez moi et rien. J’ai cru que mon fils avait caché les clés pour m’empêcher de sortir travailler. Après avoir retourné toute la maison, j’ai trouvé les clés dans le four de la cuisine. Comment ces clés se sont-elles retrouvées dans le four ? Sur le moment j’ai pensé à mon fils, mais je me suis souvenue qu’il ne savait rien à propos des clés de l’église. De toute façon, je n’avais pas le temps d’accuser ou de gronder mon fils, j’étais déjà très en retard, j’ai donc couru pour rejoindre le révérend. Il m’attendait avec une attitude très anxieuse.
Lorsqu’il m’a déposé, il m’a souhaité une bonne soirée de travail, puis il a souri d’une façon qui m’a glacé le sang. Lorsque j’ai ouvert les portes du local, j’ai senti deux mains saisir mes épaules et me repousser en arrière comme si quelqu’un voulait m’empêcher d’entrer. Je suis entrée en état de choc. Je me demandais ce qui se passait ce soir-là. Je me suis ressaisie et je suis entrée dans l’église où j’ai tout de suite remarqué que les caméras de vidéosurveillance étaient toutes baissées, comme si quelqu’un les avaient débranché et orienté vers le bas pour ne pas filmer ce qui se passait dans la salle de l’église. C’était vraiment bizarre, je ne les avais jamais vu dans cette position.
Comme j’étais déjà en retard, je me suis dirigée vers la pièce pour prendre le matériel de nettoyage. Lorsque j’ai pris le seau, j’ai entendu des pas qui courraient dans le couloir de l’église. Je me suis avancée vers le couloir, mais je n’ai rien vu. J’ai demandé s’il y avait quelqu’un, mais rien. Non seulement j’étais en retard, mais j’ai commencé à avoir peur. J’ai même pensé à profiter du fait que les caméras ne fonctionnaient pas, pour ne pas tout nettoyer, comme les toilettes qui étaient toujours très propres.
Aussitôt que j’ai mis les pieds dans les toilettes, j’ai vu de la boue, de la boue partout. On dirait que des gens avaient manipulé la boue, puis qu’ils se sont rincés en salissant tout. Il y avait de la terre partout. Lorsque je termine avec les toilettes des hommes, j’entre dans celui des femmes. Là j’ai une vision, je vois une femme qui semble apeurée et qui veut absolument sortir. Je vois la scène d’une femme qui parle de sortir de là sinon elle va mourir. Elle se dirige vers l’étage où je n’avais pas le droit d’aller, et moi je la suis en essayant de comprendre ce que je vois. Elle s’est approchée d’une fenêtre et regardait la rue. Je me suis approchée pour regarder aussi, c’était à l’opposé de l’entrée principale et j’ai vu beaucoup de voitures haut de gamme garées. J’ai tout de suite reconnu l’une d’elles, j’ai vu la voiture de mes premiers patrons. Puis j’ai aussi vu le révérend qui allait de voiture en voiture pour distribuer quelque chose aux personnes qui étaient à l’intérieur des véhicules.
Lorsque j’ai voulu demander à la femme ce que cela signifiait, j’ai réalisé que j'étais seule. La femme était une vision, une scène que je devais voir, comme le film de quelque chose qui s’était produit là. J’avais encore l’écho de sa voix dans mes oreilles, quelqu’un qui parlait avec beaucoup de peur et d’urgence. J’ai alors enfin compris que si je ne sortais pas de là, j’allais mourir. J’étais le sacrifice !
Les femmes de ménage n'étaient pas renvoyées, elles étaient sacrifiées.
Ce révérend ramenait des femmes dans ce lieu, avec le prétexte de leur offrir un emploi, mais c’était pour les sacrifier. C’est la raison pour laquelle il payait bien et sans contrat, pour ne pas laisser de traces. La raison pour laquelle il a demandé si j’avais la famille dans la ville, pour savoir si quelqu’un allait me chercher, la raison pour laquelle il ne voulait pas qu’on le voit avec moi lorsque je sortais de l’église. Tout avait du sens.
Dieu a essayé de me prévenir de plusieurs manières et je comprenais enfin que cette nuit-là, j’étais la personne qu’ils allaient sacrifier dans l’espace vide que j’avais vu sous la croix ! Et les traces de terre, quelqu'un avait-il creusé une tombe ?!
J’ai pris mes jambes à mon cou et j’ai couru en direction opposée où les voitures étaient garées, il y avait des voitures jusqu’au bout de la rue, je me suis dit qu’ils allaient me voir de toute manière si je courrais seulement, il fallait que j’entre chez quelqu’un.
J’ai vu où la femme que j’avais croisé habitait. Je l’avais d’ailleurs croisé d’autres fois et je savais où sonner. J’ai appuyé frénétiquement sur la sonnette, elle a ouvert en chemise de nuit. Je l’ai supplié de me laisser entrer parce que des gens voulaient me tuer. Elle m’a laissé entrer sans trop poser de questions.
Je tremblais, je faisais pitié. Elle m’a donné un verre d’eau. Elle me demandait si je voulais appeler la police, je lui ai dit que je ne savais pas, qu’est-ce que j’allais leur dire ?
Alors, nous avons entendu au loin des chants comme une chorale. Ça ressemblait vraiment à des chants religieux d’église mais c’était autre chose. Je savais que c’était ces gens qui préparaient mon sacrifice sans savoir que j’avais fui. Ces sortes de louanges ont duré quelques minutes et d’un coup, tout s’est arrêté. Juste quelques secondes après c’était le silence absolu, par la suite mon téléphone s’est mis à sonner, c’était le révérend. J’ai répondu, il m’a demandé dans quelle pièce je me trouvais, car il m’avait cherché. Il n’entrait jamais dans l’église le soir, c’est moi qui devais le retrouver à plusieurs mètres dehors, il voulait donc se saisir de moi. Je n’ai pas répondu j’ai brusquement raccroché.
J’ai alors essayé d’expliquer à la femme ce qui se passait, dans mes propos confus, j’ai même parlé de la vision d’une scène avec une femme dans l’église. Elle m’a demandé de décrire la femme. Lorsque j’ai donné sa description, elle m’a dit que c’était celle qui nettoyait les lieux avant moi. Elle m’a dit qu’elle sentait bien qu’il se passait des choses étranges dans ce quartier. Elle m’a demandé de monter à l’étage supérieur, il y avait une vue jusque vers l’entrepôt. Nous avons aperçu plusieurs personnes devant l’entrepôt, certaines faisaient les cent pas, comme si elles cherchaient ou attendaient quelqu’un. Des voitures noires circulaient dans les rues autour de nous. J’étais terrorisée. Mon portable sonnait sans cesse, j’ai fini par l’éteindre. J’ai imploré cette femme de me laisser passer la nuit chez elle. Elle m’a dit que je pouvais rester. Puis elle a appelé la police.
Elle leur a juste dit qu’il y avait des gens étranges au bout de la rue, et qu’ils se comportaient de manière inhabituelle. Nous avons vu les gyrophares de la police. Les gyrophares permettaient qu’on puisse apercevoir un peu la scène. La police semblait demander qui était le responsable, le révérend s’est approché, on ne sait pas ce qu’il a dit aux policiers, mais dès qu’il a fini de parler, les policiers sont tous entrés dans leurs véhicules et ils sont partis. Je n’ai pas dormi, la femme chez qui j’étais n’a pas non plus dormi. J’étais totalement paranoïaque, je pensais à mes enfants. Je me demandais s’il était possible qu’ils aillent chez moi les prendre, mais je me souvenais que le révérend ne savait pas où j’habitais, il me prenait à la gare. J’avais peur.
Vers 5h du matin, le mari de la femme est rentré, elle lui a tout expliqué. Il nous a regardé comme s’il ne croyait pas, mais il a accepté de me reconduire chez moi. Nous étions trois dans la voiture, j’étais courbée, cachée à l’arrière du véhicule. Ce n’est que lorsque nous sommes arrivés dans ma commune que j’ai pu m’asseoir normalement. Ils m’ont déposé près de mon domicile, j’ai remercié et j’ai couru chez moi. J’ai serré mes enfants qui dormaient profondément en essayant de me calmer.
Après cela, lorsque j’étais dehors je me sentais suivie. Je sais que cela peut être dû au traumatisme, mais je sentais qu’on me suivait, qu’on me guettait. Alors je prenais le taxi, pour éviter qu’on me suive jusqu’à mon domicile. Je vivais dans la peur, la terreur. Pendant ce temps, le révérend m’appelait, je ne répondais pas, il persistait. Puis un jour j’ai répondu, je lui ai dit que je savais qu’ils me suivaient, je lui ai demandé d’arrêter. Je lui ai dit que j’étais une mère de famille et que je voulais qu’il arrête. Il a ri, un rire vraiment moqueur, puis il a raccroché.
Qu’est-ce que je pouvais faire ? Comment porter plainte sans preuve, comment pouvais-je dire à la police que l’église où je faisais le ménage allait me sacrifier ? Qui peut croire une chose pareille ? Et si des policiers gradés faisaient eux-mêmes partie de cette secte ?
J’ai alors eu la certitude que je ne devais plus rester une seule minute sur place. J’ai décidé de rentrer chez ma mère. J’ai pris les valises, j’y ai mis autant que possible mes affaires et celles des enfants, à 4h du matin nous étions à la gare dans l'attente des premiers trains. J’ai tout laissé derrière moi. Le frigo rempli, des vêtements, des meubles, le contrat de bail, tout.
Ma mère a su que je rentrais lorsque j’étais devant sa porte. Plus tard j'ai réglé par téléphone ce que j'avais abandonné.
J’avais peur, je rêvais du visage du révérend, de ce lieu, et encore aujourd’hui je souffre d’anxiété. Des années après, j’y pense encore.
Le nombre de personnes qu’on attire pour un emploi, le nombre de personnes qui disparait sans laisser de trace, … il se passe des choses sombres dans ce monde. Ces gens adoraient les démons, ils font des sacrifices humains avec des gens qui viennent de milieux défavorisés et qui rêvent simplement d’une meilleure vie. Ils m’ont embauché comme femme de ménage, ils m’ont demandé si j’avais une famille dans la région, si j’avais des enfants, quels âges, tout cela parce qu’ils connaissent et cherchent un profil qui ne leur posera pas trop de problèmes. J’ai déjà tellement pensé et repensé à tout ceci, mon cerveau a essayé de comprendre.
Tout ce que je sais, c’est que je vis encore dans la peur. Je n’ai plus jamais travaillé comme femme de ménage. Je ne peux pas même travailler dans un endroit où il n’y a qu’une seule personne.
Chaque fois j’imagine ce que les gens me veulent, j’ai peur du noir, j’ai développé plusieurs traumatismes. Le fait d’avoir des enfants m’a obligé à ne pas devenir folle, ils sont grands aujourd’hui et chacun fait sa propre vie. Je travaille dans une école avec des enfants, ils me donnent la paix, je suis en sécurité avec eux. Tout ce que je viens de raconter est réel, c’est quelque chose qui m’a beaucoup marqué. J’ai eu de la chance.