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Je suis née dans une famille assez pieuse. Catholiques, vieux catholiques plus précisément, un catholicisme proche du primitif, nous ne priions ni les saints ni la vierge.
Dès l'enfance, j'ai appris à jeûner et à faire des veillées de prières. À l'âge de 15 ans, je savais déjà pratiquer le jeûne d'Esther : trois jours et trois nuits sans manger ni boire. Trois jours accompagnés de prières et de louanges.
Mon père est décédé vers l'époque où j'allais passer les épreuves du Bac. Je l'ai difficilement eu, mais j'ai eu mon Bac. Ma mère supportait mal le décès de mon père, j'ai dû intégrer le monde professionnel pour la soulager financièrement avec les dépenses courantes. Elle avait une pharmacie, mais elle n'y allait plus vraiment, elle avait beaucoup de mal à se concentrer sur le travail, elle n'avait pas de force. Je suis restée pour la soutenir.
Quelques années après, j'ai eu l'occasion de m'inscrire à l'université alors que je n'y pensais plus. J'ai eu un déclic un jour, j'ai rempli un dossier qui a été accepté. J'ai emménagé dans une nouvelle ville, avec beaucoup d'appréhension, j'avais 27 ans, j'allais me retrouver avec des étudiants de 17 ans. Mais dès la première semaine, tout s'est bien passé, j'étais vite intégrée et comme j'avais le visage d'une enfant, je passais vraiment pour une étudiante de première année, cela m'a aidé. Nous étions plus ou moins tous des inconnus les uns pour les autres en première année. Quelques filles se sont approchées de moi, car je ne sortais jamais durant les pauses, dans le but de relire mes notes, elles aussi.
Ces filles étaient majoritairement chrétiennes, les inclure dans ma vie a été facile, car nous avions une même façon de voir et de vivre notre foi de façon naturelle, sans religiosité excessive.
Les problèmes de la vie courante nous ont poussé à adopter certaines habitudes. Nous priions et jeûnions ensemble. Je précise, des jeûnes d'Esther, car nous ne jeûnions que pour des problèmes insurmontables. Cahin-caha, d'une façon ou d'une autre, le Seigneur nous soutenait.
Lorsque je terminais la seconde année d'université, les coups de fil de ma mère ont commencé à être oppressants.
Elle ne s'intéressait pas à mes notes, aux études que je faisais, elle voulait savoir pourquoi je n'avais pas encore enfanté.
Au fil des jours, ces questions sont devenues si pénibles que j'avais peur de répondre lorsque je voyais son nom affiché sur le téléphone. Après chaque coup de fil, j'étais dévastée, je me sentais inutile, honteuse, une ratée. Je ne dormais pas ou très mal.
Une fois, elle m'a dit que si mon père était en vie, il considérerait aussi que j'étais un échec, parce qu'à mon âge, je n'avais pas fondé un foyer. Cela m'a anéantie, j'étais proche de mon père, plus que de ma mère.
Je me sentais déjà un peu décalée, mais je savais que ma route avait été tracée de cette façon. Pourtant ma mère, la personne la plus importante de ma vie, me faisait comprendre que je n'étais rien. Elle me décourageait beaucoup, elle avait un énorme poids dans ma vie.
J'ai gardé cela pour moi, j'étais quelque peu gênée de partager ces choses avec des amies qui étaient tellement plus jeunes, je me disais qu'elles ne pouvaient pas comprendre, j'ai certainement eu tort. Je pense qu'elles auraient prié pour moi et avec moi, peut-être que ma vie aurait pris une autre tournure que celle que j'ai prise.
Un soir après les cours, je marchais pour m'aérer l'esprit. Un monsieur s'est approché de moi, mais je n'ai pas répondu, il était en voiture et je trouvais cela irrespectueux. Il a compris, il s'est garé et il est venu me parler.
Il me parlait comme un homme intéressé par une femme parle. Sauf qu'il était considérablement plus âgé. À la fin, il m'a laissé sa carte de visite et je ne sais pas pourquoi je lui ai donné mon numéro alors que je n'étais pas intéressée.
J'en ai parlé à ma mère, elle était heureuse. J'avais à nouveau de la valeur à ses yeux. Tout ce qui l'intéressait le concernant, c'était que ce monsieur était établi et stable financièrement. Ma mère semblait enfin me "respecter" un peu.
J'ai donc entretenu une certaine relation avec ce monsieur, puis j'ai appris qu'il était en instance de divorce. Ma mère, qui m'avait toujours dit que la foi chrétienne ne nous autorise pas à aller vers des personnes divorcées, ne voyait plus le problème. J'ai malheureusement laissé ma mère être mon dieu et j'ai poursuivi cette relation.
Ce monsieur avait une fille, elle avait un an de plus que moi. Elle ne me supportait pas, et je la comprenais, moi-même je n'assimilais pas ce que je faisais. Ma relation avec ma mère s'est normalisée par rapport à cet homme. J'avais l'impression de faire ce qui est bien. J'étais validée par ma mère.
Lorsque son divorce a été prononcé, il a demandé ma main. A cette époque, j'habitais déjà chez lui… Tous mes principes étaient derrière moi, alors même que je n'étais aucunement épanouie.
Je ne priais plus, pas chez lui. J'avais beau me convaincre que je ne faisais rien de mal, que ma mère bénissait cette vie, mais au fond quelque chose m'accusait. J'étais bloquée, je ne pouvais pas prier chez lui, j'avais honte vis-à-vis de Dieu.
Lorsqu'il a demandé ma main, j'ai dû avouer à mes amies que je fréquentais quelqu'un, que j'avais emménagé chez lui et que nous allions nous marier.
Elles ont naturellement posé plusieurs questions, j'ai dû leur dire qu'il avait 59 ans, qu'il était divorcé, qu'il avait une fille plus âgée que moi et qu'il n'était pas chrétien. Un silence s'est installé.
Elles ont remarqué que je ne parlais pas avec enthousiasme. Elles ont compris que je n'étais pas heureuse, mais j'ai essayé de les convaincre du contraire. Une d'elles m'a demandé ce que moi-même j'en pensais au niveau spirituel, je n'ai pas répondu. Une autre m'a rappelé que j'avais déjà dit par le passé que je souhaitais me marier avec quelqu'un de mon âge. Une troisième m'a dit que j'aurais dû leur confier les pressions de ma mère pour qu'on prie. Une enfin, m'a demandé si je n'avais pas peur de trouver le vrai amour pendant que j'étais liée dans ce mariage.
Je comprenais leurs questions, elles ont été transmises avec bienveillance, mais je leur ai dit que je ne pensais pas qu'autre chose se présenterait pour moi, je n'espérais plus tomber amoureuse. Je ne voyais pas que c'étaient des idées inculquées par ma mère. J'avais conclu que c'était fini pour moi, y 'avait plus rien à espérer.
Elles ont accepté de venir le voir, pour savoir avec qui leur amie s'était mise en couple. Elles l'ont trouvé gentil, mais inadapté à moi. L'une d'elles a même pleuré par la suite, elles étaient malheureuses pour moi, elles avaient pitié.
J'essayais de leur dire que ça allait, que j'étais heureuse. Mais lorsque l'une d'elles m'a demandé si j'étais fière de me balader avec lui, si je lui tenais la main en public, j'ai dû dire la vérité. Non, en public je n'assumais pas, j'avais honte d'être vue avec lui. J'avais profondément honte de l'image qu'on renvoyait, je savais que les gens voyaient la différence d'âge et qu'on me jugeait. Il avait 59 ans, mais il en paraissait plus. Moi j'avais presque 30 ans, mais je ressemblais encore à une adolescente. L'image qu'on renvoyait comme "couple" était vraiment désastreuse, oui, j'avais honte.
Je devais souvent dîner chez ses amis, mais je n'avais rien à dire à leurs femmes. Elles étaient plus âgées que ma mère. Elles essayaient de m'aimer mais je voyais que c'était compliqué. Je ne disais rien la plupart du temps. On n'avait pas les mêmes sujets de conversations, ils parlaient de leurs petit-enfants, de leurs placements financiers, de leurs retraites, de leurs quelques problèmes de santé liés à leurs âges, des rdv médicaux, de tel très bon chirurgien ...
Pourtant, je me suis mariée.
Je faisais le bonheur de ma mère, j'avais un statut de madame de quelqu'un… Bref. Je suis tombée enceinte, lorsque mon fils a eu un an, j'ai croisé quelqu'un.
Quand je l'ai vu, je savais que c'était mon homme, durant l'espace de quelques minutes, j'avais une sensation, comme un message qui me disait : "c'était lui, si seulement tu avais attendu 5 ans de plus."
J'étais perturbée. Je savais que je venais de voir l'homme que je devais épouser, je l'ai senti au plus profond de moi et c'était totalement fou. Je connaissais même sa voix, lorsqu'il m'a parlé, il y avait une familiarité, je sentais, je voyais mon rendez-vous manqué.
Il s'est intéressé à moi. Lorsque je lui ai dit que j'étais mariée et que j'avais un enfant, il a tenté de dissimuler sa déception. De mon côté, mes yeux s'ouvraient, je venais de constater que j'avais fait la plus grande erreur de ma vie. Je voyais ce que j'aurais pu devenir, j'aurais pu être amoureuse de quelqu'un, avoir des papillons dans le ventre, avoir une réelle attirance pour quelqu'un. Avoir de vrais sentiments d'une femme envers un homme, ce truc unique. Il est plus facile de surmonter les problèmes et de se pardonner entre époux quand on est amoureux. Mais quand on ne l'est pas, on peut facilement nourrir des rancœurs, des vengeances, etc.
C'est important d'aimer, d'être attiré, d'avoir réellement voulu, d'avoir souhaité quelqu'un.
Mais trop tard pour moi, je suis mariée. D'après mes propres convictions, mon mariage est inique, mais j'ai pris un engagement envers quelqu'un et j'ai eu un enfant de lui.
J'ai connu une dépression, j'étais perdue. Puis j'ai dû prendre une décision. Je ne pouvais pas quitter mon mari, cet homme était gentil, il a tant fait pour moi. Il s'est battu contre sa famille qui ne voulait pas de moi. Il a dû convaincre ses amis. Il m'a parachutée dans une vie stable qui était déjà construite. Avant de terminer mon Master, il m'avait déjà trouvé un emploi grâce à ses relations. Je me sentais redevable.
J'ai préféré pousser mon mari à déménager. Il a accepté qu'on sorte du pays pour vivre ailleurs sans connaître la vraie raison. La vraie raison était que j'avais trouvé l'homme de ma vie, et je ne voulais pas trahir mon mari. Je ne voulais pas ajouter des péchés à mon fardeau.
Voilà où j'en suis, aujourd'hui ma vie est un regret. Je regrette de n'avoir pas été suffisamment forte pour m'imposer, d'avoir été trop faible pour croire que c'était fini pour moi. Je regrette particulièrement de ne pas avoir suffisamment fait confiance à Dieu.
Faites confiance au Seigneur, il connaît les temps. Bien que vous soyez en retard dans la construction de votre vie, si vous ne faites rien de mal, ne laissez PERSONNE vous éloigner de Dieu. Ni père, ni mère, ni sœurs, ni personne. Ça ne vaut pas la peine, vous serez toujours seul(e) à supporter les conséquences.
Un jour, les gens qui vous ont poussé à vivre dans le péché, peuvent se repentir devant Dieu de vous avoir égaré. Mais vous qui êtes égaré (e), comment faites-vous pour revenir en arrière ?! Comment faites-vous pour remonter le temps lorsque vous avez pris des engagements à vie et lorsque certaines conséquences comme avoir un enfant, sont irréversibles ?
Vous serez toujours perdants sur tous les points.
Que l'Éternel soit votre seul conseiller et attendez vos bénédictions sur place !