C'est un témoignage ancien, peu documenté. Il y a des vidéos sur youtube où on entend son témoignage audio dans une église. Plusieurs personnes ont cherché son témoignage par rapport à un autre témoignage, celui de Jurandir Ferreira qui se trouve dans ce site.
Otilia Pontes a été l'épouse d'un général de l'armée. Son témoignage écrit est paru dans un journal américain chrétien, World Vision Magazine, en mars 1969. C'est à partir de ce magazine vieux de 56 ans que je fais cette traduction. Je n'ai plus rien trouvé d'autres sur cette dame, sauf les récits de personnes qui se souviennent l'avoir entendu témoigner dans plusieurs églises méthodistes à travers le Brésil. Je ne crois pas qu'elle soit encore parmi nous à l'heure actuelle.
Son témoignage à la presse américaine n'est pas très effrayant (en réalité, ça dépend pour qui), contrairement aux témoignages audios qu'on retrouve en ligne où elle donne plus de détails concernant ses activités avant sa conversion.
Environ 5 pages
Les méandres du vaudou brésilien sont profonds et terribles. Je le sais.
Pendant 23 ans, j'ai été quasiment prisonnière de la « Macumba » (vaudou), ce puissant culte originaire d'Afrique de l'Ouest qui tient des millions de Brésiliens sous son emprise tentaculaire. Bien que mon mari fût officier de haut rang dans l'armée brésilienne, il ne pouvait rien faire pour me libérer de l'esclavage du vaudou.
Le vaudou est plus qu'une superstition. C'est une force réelle et puissante qui enchaîne ses adeptes par la peur. C'est un tourbillon lumineux et effrayant qui mène à des labyrinthes de ténèbres. Ses adeptes sont issus de tous les horizons, cela concerne des personnes cultivées et instruites, mais aussi les personnes les plus humbles.
Mon propre intérêt pour le vaudou a commencé à Rio, après mon arrivée depuis ma campagne natale. Je travaillais dans une usine de tissus où nous portions un foulard pendant les heures de travail. Un jour, j'ai senti que quelqu'un me tirait les cheveux. J'avais mal à la tête, j'avais des vertiges et je me sentais mal. Les mêmes symptômes sont réapparus mercredi et vendredi, en alternance, toujours les lundis, mercredis et vendredis.
Les symptômes s'aggravèrent. Je m'évanouissais souvent et je ne pus travailler pendant des jours. Cela nuisait à mon travail à l'usine. Les médecins que je consultais ne purent rien faire. Leur traitement resta sans effet.
Puis mon patron, un vaudouiste, m'invita à aller me faire soigner par Grand-mère Cabinda. Espérant guérir, je l'accompagnai à son « terreiro » (le lieu de pratique du vaudou).
Dès mon entrée dans le terreiro, Grand-mère Cabinda, parlant par l'intermédiaire du « baba » (médium), demanda des applaudissements car un grand médium entrait. Au son des tambours et des tambourins, ils chantèrent :
Lève-toi, nègre
L'esclavage est terminée
par Sarava ce jour
Sarava notre Seigneur.
J'ai commencé à me sentir mal et, en même temps, à avoir envie de danser (début d'une possession). Je ne pouvais plus me contrôler. Lorsque le chant s'est transformé en une danse vaudou difficile où l'on faisait des gestes de lancer de flèches, je me suis levée, bien que courbée par la maladie, et j'ai commencé à danser en fumant un cigare. Le baba m'a soignée et je lui ai promis que si j'étais guérie, je continuerais à fréquenter le terreiro.
Lundi, je suis retournée au travail car j'étais guérie. Je me suis aussi remise au vaudou. J'étais accro.
J'ai commencé le difficile apprentissage de sept ans pour devenir prêtresse de la lignée « Umbanda » de Macumba. Il existe de nombreux faux vaudous, mais l'Umbanda est le véritable vaudou, le culte le plus puissant.
Beaucoup abandonnent avant la fin de leur apprentissage, mais j'ai fait tout ce qu'il fallait pour devenir une prêtresse qualifiée et une baba respectée. Avec la Vieille Grand-mère du Rosaire comme « guide », j'ai pratiqué le vaudou pendant 23 ans.
Mon apprentissage a commencé par les « obligations » imposées par le terreiro. Je préparais des fétiches destinés à être utilisés comme sorts ou autres influences. Je le faisais les lundis et vendredis dans les cimetières, sur les plages, dans les bois et aux carrefours. Je prenais des bains rituels et les préparais aussi pour d'autres.
Au bout d'un an, j'ai reçu l'ordre du Père Xangô (prononcer Chango), une puissante divinité vaudou, d'entrer dans « La Chambre » à Conga. C'est un lieu où les médiums séjournent pour apprendre à devenir prêtres et prêtresses. Nous sommes restées dans la Chambre pendant 17 jours sans voir la lumière du jour. Il y avait 50 femmes et filles au crâne rasé. Chaque jour, nous avions un nouveau tissu, une nourriture différente et des bains différents, soit 121 bains avec 121 herbes différentes pour la purification et la guérison.
"Il est mon père, il est mon seigneur. C'est mon bras fort, mon père Xangô. Le 30 septembre est la fête de Xangô)
Une fois le trimestre terminé, le baba nous a fait sortir de la Salle pour assister aux Quatre Banquets. Ceux-ci se déroulent tous en une seule nuit, dans le cadre des cérémonies de préparation. Le premier banquet a lieu dans la forêt vierge, le deuxième à un carrefour, le troisième dans un cimetière et le quatrième sur une plage.
Tous les chefs du terreiro, les fils du terreiro et les candidats y participent.
Chaque banquet est une cérémonie solennelle et fastueuse. La nourriture et les boissons sont de la plus haute qualité. On nous sert les meilleurs plats afro-brésiliens, notamment de la pintade, du chevreau, du porc rôti, du coq jaune et de la « farofa » (semoule de manioc sauté). Nous buvons de tout, du rhum blanc brésilien au meilleur whisky écossais. La table est recouverte d'une serviette blanche et les verres sont en cristal. Une fois le banquet terminé, chaque chose est laissée à sa place.
En bout de table est placée la nourriture destinée à être offerte à Oxalá (prononcer Ochala), la divinité suprême de l'Umbanda. Ce plat est entièrement blanc et préparé séparément par le baba. Il se compose de maïs blanc cuit avec de l'eau de coco dans une poêle blanche. Lors de sa préparation, le baba doit être vêtu de blanc et ne doit parler à personne.
Le premier banquet a lieu à 23 heures dans la forêt vierge, le second à minuit au carrefour. C'est là que les candidats sont saignés.
Le dieu des ténèbres est sanguinaire et cruel.
La baba était une femme. Chaque geste de la baba s'inscrit dans un rituel chargé de sens. Avec un poignard, elle saigne le candidat derrière l'oreille et offre le sang en sacrifice aux dieux : « M. Rue de la Barre Transversale », « M. Sept Capuchons » et « M. Velours ».
Les « exus » (serviteurs des esprits de lumière) reçoivent les offrandes, le fétiche ou le sort, au niveau d'un carrefour.
Le rituel est long et devient de plus en plus difficile. Du carrefour, nous nous rendons au cimetière. Là, je conclus un accord avec « M. Joao Caveira» (Jean le Crâne), c'est un esprit très craintif, il est le propriétaire des tombes.
Invoquant Yamalu-Yatato, le dieu des cimetières, il me promit de faire le bien et de me guider dans mon terreiro. En retour, je lui ai promis que de ma vie je n'entrerais jamais dans un cimetière. J'ai tenu parole pendant les 23 années où j'ai été sous la domination des ténèbres. Lorsque je me suis convertie et que j'ai commencé à chanter dans une chorale, notre premier concert a eu lieu par coïncidence le jour des Morts (1er novembre) dans un cimetière ! J'y suis entrée confiante et heureuse, libre en Jésus, grâce à Dieu.
Après une année d'obligations, de maléfices, de petites actions et de bains, le Père Xangô ordonna au terreiro de préparer l'« aguere », l'épreuve du cracheur de feu. Dans une casserole d'argile spécialement conçue à cet effet, on fait bouillir une huile spéciale et une poudre combustible de Bahia pendant 12 heures, de midi à minuit.
On plonge ensuite du coton dans ce mélange bouillant pour former des boules. À minuit, le Père Xango ordonne au baba d'invoquer le « caboclo » qui est l'Étoile de la Forêt Vierge, un esprit. Le caboclo nous ordonna de plonger la main dans la casserole bouillante, de prendre un coton et de le manger. Seule une autre femme et moi-même l'avons fait. Les 48 autres candidates ont abandonné l'épreuve.
Commença alors la troisième étape de mon apprentissage. J'appris à pratiquer la sorcellerie, les prières et les sortilèges. Je connaissais les prières et la sorcellerie pour toutes sortes de choses. Je pouvais, par exemple, prier pour arrêter une hémorragie chez une personne qui se trouvait près de moi ou à plusieurs kilomètres de là.
J'ai reçu l'esprit d'un vieil homme de couleur qui m'a donné le pouvoir d'ouvrir n'importe quelle porte en abaissant la barre transversale ou en ouvrant une serrure, sans aucune clé. J'ai également « reçu » Grand-mère Massquita, qui m'a donné le pouvoir de pratiquer la sorcellerie.
De janvier à juillet, j'ai donné en moyenne 100 consultations par jour.
L'un des sortilèges les plus demandés était le pouvoir de « dompter les maris ». Les dames de la haute société me demandaient particulièrement une amulette à glisser sous l'oreiller ou dans les vêtements de leur mari, ainsi qu'une poudre faite à partir d'un os de jambe d'enfant (de sexe masculin) à ajouter à la nourriture de leur mari, lorsqu'elles voulaient le tromper. Le mari croit alors à tout ce qui sort de la bouche de sa femme.
Dix-huit mois plus tard, l'épreuve la plus difficile et la plus cruelle de toutes arriva.
Elle impliquait le sacrifice d'une vie humaine. La Baba m'appela et me demanda de préparer mon premier sort. Cependant, pour y parvenir, je devais tuer mon fils aîné ! Elle m'expliqua que pour devenir le maître absolu de mon terreiro, pour avoir le pouvoir sur les vies humaines, le pouvoir de vie et de mort, je devais agir ainsi.
J'ai demandé trois jours de réflexion. Au bout de trois jours, j'ai dit à la Baba que je ne pouvais pas faire une telle chose. Elle m'a dit que je devrais alors recourir à une sorcellerie pour rendre mon fils malade.
Acyr, mon aîné, avait sept ans.
Le « tata » (l'interprète du terreiro) et le « cambono » (celui qui dirige) se rendirent au cimetière à ma place et y accomplirent l'acte diabolique de priver mon fils de sa santé.
Trois jours plus tard, à mon retour à la maison, je trouvai ma mère affligée et Acyr très malade. Pour le guérir, je dus « changer de tête ». Il s'agit d'une cérémonie expiatoire au cours de laquelle la maladie d'une personne est transférée à un animal. J'ai préparé un banquet dans les bois. Au bout de la table, j'ai placé une chèvre entièrement noire à côté de mon fils Acyr. Il était si malade qu'il a fallu le porter comme un bébé. Après les préparatifs et le coup de poignard, j'ai « reçu » l'esprit M. Joao Caveira. Il a saigné la chèvre au lieu de saigner l'enfant. J'ai échangé la vie de l'animal contre celle de mon fils.
J'atteignis enfin la dernière étape de mon apprentissage. Ils firent l'épreuve finale, riche en rituels. Je reçus une épée pour combattre les ennemis et faire la charité. J'étais préparée aux sept lignes de l'Umbanda, y compris les plus difficiles : la ligne de l'Âme et la ligne du Mineur.
Celle-ci est si complexe que seules quelques personnes y parviennent. J'étais prête à prendre en charge un terreiro !
Je devins la baba du Rosaire et donnai des consultations tous les soirs. Pour faire plaisir à la Grand-mère du Rosaire (un esprit), qui était incarnée en moi, je devais boire trois ou quatre bouteilles de rhum blanc le plus pur chaque soir et fumer cigares et pipe. Le rhum ne me donnait jamais le vertige, je n'étais pas soûle, c'est l'esprit qui absorbait ces offrandes par ma bouche. C'était comme si je n'avais pas bu ! Pendant toutes ces années, je ne me couchais pas avant 1h du matin, car je devais être réveillée à minuit pour sauver les gens aux carrefours.
Les carrefours de routes (piétons ou voitures) sont des lieux très prisés dans la Umbanda. C'est symbolique, car ce sont des lieux où on a le choix de prendre une direction, un chemin plutôt qu'un autre.
Tous mes enfants ont été baptisés au terreiro, et mon fils aîné, celui qui avait été offert, en est devenu le chef. Je recevais des cadeaux coûteux car je ne facturais pas mes services, c'étaient des dons. J'avais toujours des dollars en cadeaux à la fin de l'année, en plus de vêtements, de chaussures et de bijoux.
Je recevais des diplomates, des membres du conseil municipal et des personnes de la haute finance.
Outre les sorcelleries, les prières et les bains, je contractais et défaisais des unions, des mariages et des fiançailles. Des gens venaient me voir pour casser l'union des gens ou alors faire en sorte de faire tomber quelqu'un amoureux pour l'épouser.
En général, le travail effectué est valable sept ans. Cette période est en réalité contraignante, il y a des effets secondaires.
J'étais également médium de transport. C'est un travail très difficile, et seuls quelques-uns peuvent l'accomplir. Quelqu'un consultait le médium et demandait des nouvelles d'un parent éloigné ou disparu. Je recevais un esprit caboclo si puissant qu'il me projetait à terre et me laissait inconsciente. Au bout de 15 minutes, je revenais avec des nouvelles de la personne. J'ai également travaillé dans un centre spiritualiste appelé « Amour de Dieu », où je donnais des consultations médicales invisibles, recevant l'esprit qui se faisait appeler Dr Antonio Ribeiro.
J'étais une bête sous la forme d'une femme. Bien qu'ayant été élevée dans un foyer chrétien, je suis devenue rebelle au point de détester la Bible et les cultes chrétiens. En obéissance à M. Joao Caveira, je pourrais mettre de la poudre sur ma main, l'allumer avec un cigare et la laisser exploser sans me brûler les mains ni le visage, tout en chantant :
Exu a deux têtes
Il regarde son groupe avec foi
L'une est pour Satan de l'enfer
L'autre est pour Jésus de Nazareth.
En 1956, mon mari fut muté à Alegrete, dans l'État du Rio Grande do Sul, pour y prendre la tête du poste militaire.
À Alegrete, ma plus jeune fille, Vera Lucia, âgée de onze ans, fut atteinte d'un rhumatisme infectieux. Elle était entre la vie et la mort, inconsciente pendant trois jours avec un myocarde ouvert. Le médecin spirite Mario Flores venait la voir trois fois par jour, mais il ne pouvait rien faire. Tous les « oxalas » et « guides » abandonnèrent ma petite fille.
Un couple de voisins, M. et Mme Joao Sultan, étaient des chrétiens méthodistes. Ils étaient de fervents croyants et de très bons voisins. Lorsqu'ils ont appris que ma fille était mourante, ils me demandèrent la permission d'inviter leur pasteur, le révérend Otto Gustavo Otto.
En désespoir de cause, j'acceptai la visite du pasteur, j'étais chez eux. Il vint, lut la Bible, pria et partit. Avant même d'arriver à la maison, Vera Lucia se redressa et demanda à manger.
Je courus voir le médecin.
Lorsque le Dr Flores a vu ma fille, il s'est exclamé : « Un véritable miracle s'est produit ! » et nous a conseillé de lui donner de la soupe au poulet.
Le lendemain, Vera Lucia marchait. Deux semaines plus tard, lorsque nous l'avons emmenée à Uruguaiana pour un autre cardiogramme, elle a pu sortir de l'hôpital.
Entre-temps, le révérend Almir Bahia est venu à Alegrete pour mener une campagne de réveil à l'église et mes voisins m'ont invité aux cultes. J'ai demandé à Grand-mère du Rosaire (l'esprit) la permission d'y aller. Elle a refusé, prétextant que si j'y allais, elle me chasserait.
Mais j'ai su calmer Grand-mère. J'ai allumé la pipe, tiré trois bouffées, allumé une bougie que j'ai placée à côté de la « giria » et promis à Grand-mère que je fumerais le reste à mon retour pour qu'elle m'attende. À mon retour, j'ai tenu ma promesse.
Le lendemain, j'ai fait de même et je suis retournée à l'église.
M. Bahia a lancé un appel très émouvant. Pendant qu'ils chantaient « Je veux être un canal de bénédiction », je me suis avancée et je me suis abandonnée au Christ.
Je ne saurais dire ce que j'ai ressenti à ce moment-là !
Je renaissais en Christ. Le diable et mes ennemis ne pouvaient me vaincre. Je ne les craignais plus.
Je suis rentrée chez moi et j'ai détruit tous les instruments utilisés pour tromper les âmes humaines. J'ai été baptisée à Alegrete.
C'était il y a dix ans, et depuis, je suis reconnaissante d'être un instrument du Seigneur pour guider les autres vers la Lumière. Mon fils Acyr, celui qui a failli être sacrifié au diable, étudie maintenant pour devenir un pasteur. Dieu merci !!!